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La revue thomiste

Contenu éditorial

La cohabitation des religions, Pourquoi est-elle si difficile ? (R. Pouivet)

Écrit par : Philippe-Marie Margelidon
Publié le : 21 Juin 2025
  • Lien d'achat externe: https://www.laprocure.com/product/1477101/pouivet-roger-la-cohabitation-des-religions-pourquoi-est-elle-si-difficile?srsltid=AfmBOorlTfKeJ7EA0q79-obPxS-xUF3fLhy9eScxtkmNKWXq659_u3Py?ae=31&regle=1

La cohabitation des religions est le prolongement de deux livres qu’il n’est pas nécessaire d’avoir en mémoire, le présent ouvrage se suffit à lui-même, mais le lecteur gagnera à y revenir pour avoir une idée plus complète de la pensée de l’auteur sur la question de la vérité religieuse : Épistémologie des croyances religieuses, Paris, Cerf, 2013, et Qu’est-ce que croire ?, Paris, Vrin, 2002. Ce petit livre, clair et courageux, lucide et argumenté, explique en quoi il existe une vérité religieuse, et pas seulement des opinions ; que les désaccords qui les opposent sont comme la vérité par rapport à l’erreur et au faux. Le christianisme n’a pas le monopole de la vérité mais il est non seulement une vraie religion, mais la religion vraie. Les désaccords ne sont pas seulement des points de vue différents, de simples divergences mais des conceptions de Dieu et du rapport de l’homme à Dieu qui ne sont pas compatibles, qui sont éventuellement complémentaires. Les religions ne disent pas toutes la même chose, de manière différente ou au mieux convergente. Ce réductionnisme pluraliste facile est très en vogue jusque dans certaines instances de l’Église catholique, ou tout au moins il y trouve des complicités lénifiantes. Le pluralisme religieux est de fait, mais il n’est pas de droit. La religion et la vérité religieuse ne peuvent être réduites à des points de vue sur le fait religieux et son vécu, à des expériences ou à des différences pratiques. Il y a une révélation vraie et non plusieurs, ce qui est philosophiquement et théologiquement justifiable. Les schèmes du régime pluraliste, libéral et démocratique, de la culture contemporaine ne s’appliquent pas à la vérité religieuse, il y a une différence d’ordre ou de genre entre le « vivre ensemble » socio-politique et le « vivre ensemble » d’une religion révélée ou non révélée. La cohabitation des religions suppose un « vivre ensemble » que leur diversité implique en vertu de leurs principes religieux qui ne sont pas tous compatibles, sauf si les partenaires du dialogue interreligieux adoptent une attitude éthique concertée de respect dans l’échange et dans les désaccords, parfois radicaux entre eux. La vérité s’impose par elle-même, jamais pour une quelconque forme de contrainte mentale et culturelle. Pouivet, dans un premier chapitre, étudie la nature des croyances religieuses. C’est l’étude de la croyance et de ses formes qui explique ce qu’il appelle justement les inévitables désaccords entre les religions : « Le désaccord religieux » (p. 13-44). Dans un deuxième chapitre, il explique pourquoi le pluralisme religieux signifie qu’il ne peut y avoir plusieurs vérités religieuses compatibles en même temps à propos de Dieu, même si elles peuvent coexister existentiellement et socialement dans un même espace entre des personnes différentes et opposées : « La tentation du pluralisme » (p. 45-71). Enfin, dans un troisième chapitre, le plus long, il montre très exactement que non seulement il ne peut y avoir deux religions vraies en même temps mais que l’unique vérité n’est pas intolérante de soi. D’abord, parce que la notion de tolérance n’est pas le tout du « vivre ensemble ». La tolérance a, par elle-même, d’inévitables et nécessaires limites : tout n’est pas tolérable ; ensuite, les situations d’intolérance sont le résultat d’agents religieux qui agissent pour des raisons ou des motifs qui ne sont pas authentiquement religieux, pour des raisons ou des motifs idéologiques et politiques : « La vraie religion » (p. 73-116). La religion est chose sérieuse, elle traite de la vérité de la croyance en Dieu révélé, de salut, ce que la notion enveloppante, d’origine sociologique, de monothéisme ne doit pas dissimuler. La religion n’est pas seulement un fait humain, un fait social. Avant d’être une praxis, une orthopraxie, elle est une orthodoxie, il y est question de vérité : « La vérité n’est pas indifférente s’agissant de la religion ; elle n’est pas multiple ; elle n’est pas relative » (p. 11-12). Sous ce rapport, ou bien la doctrine catholique est vraie ou elle est fausse ; si elle est vraie, les autres religions qui prétendent dire aussi le vrai sont fausses, ce qui ne doit pas inquiéter, malgré le présupposé délétère et entretenu de la non-vérité. Se récrier en brandissant les guerres de religion est une esquive facile et indue. Pouivet rappelle les enjeux épistémologiques de la religion, à la fois comme accès à la vérité — dogmatique — de Dieu révélé, theoria, d’abord, et comme mode d’être et de vie, praxis, ensuite. C’est la « prétention » à la vérité qui est la norme de la légitimité des croyances (cf. p. 29-31), dans la mesure où les croyances sont fondées sur des raisons épistémiques, avant d’être des expériences ou de s’y résumer. Parler de Dieu ou de foi ou de religion en termes d’expérience n’est certes pas illégitime, mais non premier, la vérité en est la mesure fondamentale et incontournable. Il est donc capital de revenir à la critique de la connaissance religieuse, en amont de la simple certitude subjective et de l’expérience personnelle, reconsidérer l’idée, régulatrice en fait, de vérité et d’examiner ses fondements rationnels. En effet, les désaccords religieux sont rationnels et pas seulement sociaux ou pratiques. Le pluralisme religieux est un fait, mais l’inscrire dans une volonté divine pluraliste est une pétition de principe qui devrait être critiquée et élucidée plus à fond que ne le font de nombreux représentants religieux chrétiens contemporains. Les vécus religieux, aussi authentiques soient-ils — selon quels critères ? — ne sont pas régulateurs et discriminateurs de la vérité religieuse. Passer de la pluralité au pluralisme, du fait au droit, est contraire à la religion comme prétention légitime et rationnelle à la vérité. Il y a un ordre de vérités, et la vérité religieuse y a sa place, ce qu’il faut déterminer et juger. Les religions ne sont pas équivalentes ou égales ou compatibles. La sincérité d’une croyance n’en fait pas la légitimité épistémique et éthique. Ainsi, la cohabitation des religions n’est possible que sur le fond d’un désaccord insurmontable le plus souvent. La conversion et même le prosélytisme, entendu en son sens originel, n’ont rien de scandaleux. La vérité est un bien qui se communique. En revanche, les modes pratiques de coexistence et de cohabitation des religions doivent être évalués sur des critères rationnels, mesurés par le bien commun, et dans le respect de la vérité religieuse qui fait partie intégrante du bien commun, qui en est même la dimension supérieure. L’exclusivisme doctrinal n’est pas rationnellement aberrant. La religion relève, au-delà de la « production de sens » à quoi on la réduit, de la prétention universelle à la vérité, comme il en est dans bien d’autres domaines de la vie humaine : éthique et métaphysique. Qu’il y ait de l’arrogance chez tel ou tel représentant d’une religion est une chose moralement répréhensible, mais n’est pas un critère disqualifiant d’une religion en son contenu. L’humilité dans la vérité est le signe éthique que la vérité est un don et non un droit. L’humilité est la condition morale fondamentale de la tolérance pratique. La vérité est reçue, découverte, et non fabriquée ou constituée. L’exclusivisme doctrinal est la raison d’un exclusivisme sotériologique : hors du Christ, point de salut, et hors de l’Église du Christ, point de salut ; l’enchaînement est logique et épistémique, indépendamment de la sincérité des opinions et des appartenances qui ne peuvent être contraintes. Le relativisme est une erreur intellectuelle et morale. Précisons, ce que Pouivet ne souligne pas assez : que s’il y a des fausses religions, s’il y a des erreurs religieuses, on trouve aussi des vérités dans ces religions, disons des « éléments de vérité », comme dit le concile Vatican II, enchâssés il est vrai dans des erreurs. Toute religion non chrétienne n’est pas un amas de faussetés. C’est parce qu’il y a d’authentiques « éléments de vérité » qu’il est possible de pratiquer, sans faux-semblant, qu’il est possible de justifier, rationnellement, ce qu’on appelle le dialogue interreligieux, pas simplement au plan pratique mais théorique. Roger Pouivet nous donne un livre épistémologiquement utile, roboratif pour l’intelligence, que l’on soit philosophe, théologien, ou même acteur de la vie politique et sociale.

fr. Philippe-Marie Margelidon, o.p.

Le christianisme est-il crédible ? (L.-M. de Blignières)

Écrit par : Bruno-Thomas Mercier des Rochettes
Publié le : 21 Avril 2025
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En répondant aux « principales objections argumentées » (p. 13) contre la foi chrétienne, l’A. présente avec ordre et continuité les principaux motifs de crédibilité du christianisme. Il n’entend pas traiter de la défense de la religion en général ou de l’Église du Christ en particulier. Il expose ce que devrait reconnaître « l’agnostique honnête » ou « le chercheur de bonne foi » (p. 133). Quoi qu’il en soit de son efficacité missionnaire, l’apologétique fortifie la foi des chrétiens en écartant les objections. « Sans complexe » (p. 11), elle s’oppose au fidéisme comme à l’a priori scientiste ou historiciste. Elle évite rationalisme et prosélytisme, l’acte de foi restant fruit de grâce et de liberté. L’apologétique offre une certitude morale et non mathématique. La perspective est thomiste. Le propos est généralement fluide, quelquefois technique. Le premier chapitre soutient les suivants en montrant la valeur historique du Nouveau Testament (à la différence des apocryphes). La transmission manuscrite est fidèle. Quant aux auteurs : « Personne ne ment gratuitement » (p. 37). Le Christ réalise les prophéties de l’Ancien Testament (chap. 2) non seulement en de nombreux détails mais « selon une synthèse supérieure » (p. 67) et originale des thèmes messianiques, les interprétations contemporaines concurrentes demeurant inaccomplies. Les miracles (chap. 3) sont pour la doctrine qu’ils attestent une « preuve indirecte par un signe certain » (p. 101). Le Christ a bien enseigné une doctrine, excellente et sublime (chap. 4). Il présente dans sa personne la « norme vivante de sa propre parole » (p. 130). La résurrection du Christ (chap. 5) est certes un mystère à croire mais, prédite et attestée, elle fait l’originalité du christianisme qui seul promet un salut total. Enfin, Jésus affirme sa divinité et sa filiation divine (chap. 6). Or, sage et saint, il ne saurait être trompé ni trompeur. Il se montre parfait témoin par sa compétence et sa véracité : il « conduit à sa doctrine par sa personne » (p. 198) ; d’où sa place centrale en apologétique. Le témoignage appartient au « régime humain de la raison, qui est essentiellement social en même temps que personnel » (p. 194). Cependant, la réponse à la question de l’identité du Christ exige un passage de la crédibilité à la foi dans une « continuité concrète » (p. 198) enracinée dans l’unité de la Personne du Christ, subsistant en deux natures.

Relevons quelques menus défauts. L’apologétique, brièvement défendue en introduction, est comprise comme cette « partie spécifique de la théologie sacrée » étudiant « la religion révélée sous la raison de sa crédibilité » (p. 11). Ne conviendrait-il pas plutôt de la désigner comme partie intégrante de cette science une qu’est la théologie (Sum. theol., Ia, q. 1 a. 3) ? Les manuscrits de la Guerre des Gaules sont indiqués datés « d’au moins 900 ans » (n. 7, p. 16) puis de « 1 000 ans » (p. 17). Saint Ignace est nommé à tort « disciple » de saint Polycarpe. Il aurait fallu mieux distinguer les Pères apostoliques, qui ont connu « des disciples directs des apôtres » (p. 23), des apologètes cités dans la foulée comme Tertullien, Origène et Clément (p. 26-27), et parmi lesquels on compte généralement saint Irénée (p. 25 et p. 184) bien qu’il ait connu saint Polycarpe, disciple de saint Jean. Le fragment de Muratori est indiqué comme datant avec certitude autour de 107 (p. 25), sans référence, alors que ce texte fait mention d’œuvres plus tardives du IIe siècle.

fr. Bruno-Thomas Mercier des Rochettes, o.p.

La philo sans prise de tête (F.-X. Putallaz)

Écrit par : Bruno-Thomas Mercier des Rochettes
Publié le : 21 Décembre 2024
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Reprenant l’essentiel du texte de Montagne et Philosophie (Genève, Slatkine, 2012, 224 p.), l’A. veut contribuer par cette histoire de la philosophie à une « sagesse qui cultive l’équilibre » (p. 5). Pour cela, il présente avec simplicité, à peu près dans l’ordre chronologique, une galerie de philosophes. L’A. est en effet convaincu — contre Descartes (p. 149) — que le travail des générations passées aide au renouvellement actuel de la pensée. Certains des penseurs choisis sont ordinairement étudiés en littérature (Camus, chap. 17) mais ici traités pour leur philosophie ; Dante (p. 97, chap. 6) et Montaigne (p. 137, chap. 7) ont bien fait œuvre de philosophie morale. Rejetant le « psychologisme niais » qui réduit les penseurs à leurs sentiments, l’A. n’entend pas dissocier totalement « le jugement porté sur une doctrine et les éléments biographiques qui l’accompagnent » (p. 223). Il estime que le cœur et l’esprit se nourrissent mutuellement et qu’il existe — comme la durée de Bergson « constitue notre personnalité » ? (p. 242, chap. 14) — « une source unique qui alimente toute vie, toute pensée et toute œuvre » (p. 291).

Pour chaque pensée sont choisis un ou plusieurs thèmes importants — l’exhaustivité étant évidemment impossible. Les chapitres se complètent de sorte que les principales questions philosophiques sont abordées au fil du livre. Corrigeant au besoin certaines vues fausses couramment répandues dans l’histoire des doctrines (par exemple sur Rousseau, p. 179), le propos ne se limite pas à l’histoire des idées. Œuvre de philosophe, il juge des choses mêmes, et de la conformité des pensées au réel. On ne sera donc pas surpris de l’éloge de Socrate (p. 19, chap. 1), d’Aristote (chap. 3) ou de Kant (« penseur de race » malgré ses limites, p. 192, chap. 11) et plus encore de celui de saint Thomas d’Aquin (chap. 5) : sa philosophie originale et moins élitiste qu’Aristote, élaborée par et pour le théologien, n’est pas une servante servile ; ainsi la foi fait « mieux marcher sur la terre des hommes » (p. 87). Avec lui, la « rigueur technique » se fait « gardienne de la fraîcheur évangélique » (p. 90). Inversement, sont vivement critiqués l’utilitarisme (chap. 9), « seul passage triste de nos itinéraires » (p. 166) et qui ne mérite pas le nom de « philosophie » (p. 171), ainsi que Sartre à la « myopie insistante » (p. 278, chap. 16) dont les « combats outranciers » ne sont pas accidentels à une pensée de « l’auto-affirmation de soi » (p. 279). Chez les femmes, Edith Stein (chap. 15) montre plus de liberté qu’Héloïse se sacrifiant au goujat Abélard (chap. 4), plus de finesse et de constance que Simone de Beauvoir, dont il est à craindre que le jugement fût faussé par la vie déréglée (p. 285, comme pour Sartre p. 278, chap. 16).

Quelques thèmes parcourent l’ensemble. L’A. défend surtout la réalité et la notion de nature ainsi que la dignité de la personne humaine, insistant sur l’unité du corps et de l’esprit. Il s’oppose à l’euthanasie, meurtre ou suicide (cf. chap. 11 sur Kant). Il relève les limites des penseurs antiques, ignorant la misère de l’homme due au péché originel (p. 21 et p. 40), comme celles des modernes, révoltés dans l’impasse de leur refus de la création (p. 281) et de l’unique rédempteur des hommes (p. 297) : « La philosophie n’a jamais sauvé qui que ce soit » (p. 82).

Le 18e et dernier chapitre montre la consonance de la beauté et de la vérité, frappées aujourd’hui du même mal : le subjectivisme. La beauté est fondée dans les choses (p. 308). Elle procure la joie dans l’acte de connaissance de l’objet (p. 309). Elle mobilise la subjectivité et bouleverse qui y consent (p. 311). Certes, la beauté de ce monde est ambiguë, car on peut s’y arrêter, mais elle peut inviter à contempler sa source (p. 316). Tout le livre vise ainsi à montrer que « la vérité est aimable » (p. 303), en la présentant sous son meilleur jour. Aussi le style se veut-il plaisant, poétique même, généralement sans attenter à la clarté et à la précision de la pensée.

Relevons de rares erreurs typographiques : « vers [les] réalités » et « mo[n]de » (p. 35) ; mort d’Épicure en « [2]70 » av. J. C. (p. 323). Nous aurions évité l’emploi de l’expression « création continuée » (p. 249) et ses difficultés théologiques, ainsi que tempéré l’enthousiasme pour « l’assomption érotique de la chair » (p. 42) comme remède au platonisme.

Bien informé, l’ouvrage évite l’érudition mais offre à la fin, pour chaque chapitre, d’utiles indications bibliographiques et quelques conseils pour continuer l’étude. Espérons que ce livre sera une rampe de lancement pour de nombreux lycéens et étudiants, une agréable sente pour tout ami de la sagesse.

Fr. Bruno-Thomas Mercier des Rochettes, o.p.

Soyez rationnel, devenez catholique (M. Lavagna)

Écrit par : Frédéric Guillaud
Publié le : 7 Décembre 2024
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Le titre de ce livre en exprime suffisamment le but : montrer que la raison bien conduite mène tout droit au catholicisme. Non pas pour des motifs utilitaristes — parce que se faire catholique aurait de bonnes conséquences — mais parce que donner son assentiment intellectuel au contenu même de la foi chrétienne est conforme aux exigences de la raison. Ce faisant, l’A. renoue tout simplement avec l’apologétique telle qu’on la pratiqua jusque dans les années cinquante, qui visait non seulement à défendre le contenu de la foi catholique contre l’objection, mais à établir rationnellement le fait même de la Révélation et à en démontrer la crédibilité. L’A. progresse de manière on ne peut plus classique, en trois étapes : d’abord démontrer l’existence de Dieu en recourant à la théologie naturelle (« Théisme »), puis assurer la fiabilité des Écritures, la divinité de Jésus, la réalité historique de la Résurrection (« Christianisme »), enfin, défendre les principaux dogmes caractéristiques du catholicisme (« Catholicisme »). Le tout en 426 pages menées tambour battant, sous une forme simple, cursive, constamment et strictement argumentative, faisant feu de tout bois, parfois un peu brute de décoffrage et schématique, sans souci d’agrément littéraire ni de contextualisation philosophique, mais jamais ennuyeuse. Quant aux thèses défendues par l’ouvrage, le fidèle catholique ne doit évidemment s’attendre à aucune surprise, puisque, par construction et destination, cet ouvrage défend les affirmations du catéchisme. Sur tous les points, sauf erreur de notre part, l’orthodoxie du livre est impeccable, ce qui, reconnaissons-le au passage, n’est pas si courant pour un ouvrage d’apologétique contemporain.

Mais le plus étonnant est ailleurs : c’est qu’un étudiant de 23 ans, laïc, ait produit une somme pareille, en 2022, en ranimant les braises que l’on croyait éteintes de la méthode apologétique qui fut pratiquée dans la foulée du premier concile du Vatican. Tous les tigres de papier qui, depuis une soixantaine d’années, ont intimidé l’intelligence catholique et l’ont conduite à abandonner cette méthode, semblent n’avoir pas la moindre consistance pour l’A. Tout se passe comme s’ils n’avaient jamais existé : « Mort de la métaphysique », « Ruine de l’onto-Théo-logie », « Échec de l’apologétique », « Tournant phénoménologique »… Une jeune génération est en train de se lever, inspirée par sa devancière des États-Unis, que toutes ces baudruches n’impressionnent guère. On pourrait regretter que l’A. ne prenne pas la peine de les réfuter. Mais il faudrait pour cela un autre livre ! Est-ce à dire que l’A. se borne à recopier les anciens manuels que l’on a mis au rebut dans les années soixante ? Non ! Car l’argumentation s’est enrichie depuis, nourrie des apports d’un grand nombre de disciplines. Je me bornerai ici à relever quelques-unes des nouveautés les plus intéressantes.

Au chapitre de la théologie naturelle, on notera le foisonnement d’arguments visant à démontrer que le passé ne peut pas être infini. Certains d’entre eux — ceux qui s’appuient sur l’idée de traversée impossible — sont passibles de la critique qu’en avait faite saint Thomas (cf. Somme théologique, Ia, q. 46, a. 2, ad 6), mais d’autres résistent mieux : il s’agit des arguments en faveur du « finitisme causal » qui, chose intéressante, sont repris par Lavagna auprès d’auteurs américains à forte sensibilité thomiste, comme Robert C. Koons ou Alexander R. Pruss (with a leibnizian twist). Or, ces arguments visent à montrer que la série causale temporelle, aussi bien que toute série de causes simultanées, est nécessairement finie. Sur le fond, et d’un point de vue thomiste, on peut se demander si une refonte de la distinction entre séries causales accidentellement ordonnées et séries essentiellement ordonnées ne permettrait pas de faire passer la série causale temporelle des événements du côté des séries essentiellement ordonnées — auquel cas on pourrait démontrer, sans contredire saint Thomas, que le passé est nécessairement fini. Voilà du travail pour les jeunes thomistes.

Au chapitre de la défense du christianisme, on appréciera tout particulièrement la synthèse très complète consacrée à l’authenticité, à la datation et à la fiabilité des évangiles. Sur ce point, la thèse soutenue par l’A. est celle d’une datation haute (avant 70), dans le sillage de John A. T. Robinson, et sur les mêmes bases. Parmi les petits arguments qui font mouche — et le livre en compte d’innombrables — on relève la citation de l’évangile de saint Luc (10, 7) que l’on trouve dans la première épître de Paul à Timothée (5, 18) — ce qui fait remonter ledit évangile avant la mort de saint Paul, c’est-à-dire avant 67 — à supposer bien sûr qu’on accepte l’attribution de cette épître à saint Paul, ce qui demeure la thèse catholique traditionnelle. Intéressant aussi le passage en revue de toutes les hypothèses naturalistes disponibles pour expliquer le tombeau vide, les expériences d’apparition et le revirement des apôtres.

Enfin, au chapitre du catholicisme stricto sensu, on appréciera la défense efficace du sacerdoce, de la papauté et des dogmes mariaux, qui est conçue pour répondre aux doutes des catholiques mal catéchisés et aux objections des protestants évangéliques, très actifs auprès des jeunes « qui se posent des questions ». Ce livre est un témoignage éclatant de l’immense soif de rationalité qu’ont fait naître quelques décennies de découpage, collage, coloriage et papier crépon dans l’âme d’une jeunesse qui cherche la vérité. Comme le dit l’A. : « Nous devons annoncer au monde que nous ne sommes pas catholiques parce qu’il s’agit d’une “belle histoire” ou parce que cela nous “fait plaisir d’y croire”. Nous sommes catholiques d’abord et avant tout parce que le catholicisme est vrai » (p. 411).

 

Frédéric Guillaud

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