Le titre de ce livre en exprime suffisamment le but : montrer que la raison bien conduite mène tout droit au catholicisme. Non pas pour des motifs utilitaristes — parce que se faire catholique aurait de bonnes conséquences — mais parce que donner son assentiment intellectuel au contenu même de la foi chrétienne est conforme aux exigences de la raison. Ce faisant, l’A. renoue tout simplement avec l’apologétique telle qu’on la pratiqua jusque dans les années cinquante, qui visait non seulement à défendre le contenu de la foi catholique contre l’objection, mais à établir rationnellement le fait même de la Révélation et à en démontrer la crédibilité. L’A. progresse de manière on ne peut plus classique, en trois étapes : d’abord démontrer l’existence de Dieu en recourant à la théologie naturelle (« Théisme »), puis assurer la fiabilité des Écritures, la divinité de Jésus, la réalité historique de la Résurrection (« Christianisme »), enfin, défendre les principaux dogmes caractéristiques du catholicisme (« Catholicisme »). Le tout en 426 pages menées tambour battant, sous une forme simple, cursive, constamment et strictement argumentative, faisant feu de tout bois, parfois un peu brute de décoffrage et schématique, sans souci d’agrément littéraire ni de contextualisation philosophique, mais jamais ennuyeuse. Quant aux thèses défendues par l’ouvrage, le fidèle catholique ne doit évidemment s’attendre à aucune surprise, puisque, par construction et destination, cet ouvrage défend les affirmations du catéchisme. Sur tous les points, sauf erreur de notre part, l’orthodoxie du livre est impeccable, ce qui, reconnaissons-le au passage, n’est pas si courant pour un ouvrage d’apologétique contemporain.
Mais le plus étonnant est ailleurs : c’est qu’un étudiant de 23 ans, laïc, ait produit une somme pareille, en 2022, en ranimant les braises que l’on croyait éteintes de la méthode apologétique qui fut pratiquée dans la foulée du premier concile du Vatican. Tous les tigres de papier qui, depuis une soixantaine d’années, ont intimidé l’intelligence catholique et l’ont conduite à abandonner cette méthode, semblent n’avoir pas la moindre consistance pour l’A. Tout se passe comme s’ils n’avaient jamais existé : « Mort de la métaphysique », « Ruine de l’onto-Théo-logie », « Échec de l’apologétique », « Tournant phénoménologique »… Une jeune génération est en train de se lever, inspirée par sa devancière des États-Unis, que toutes ces baudruches n’impressionnent guère. On pourrait regretter que l’A. ne prenne pas la peine de les réfuter. Mais il faudrait pour cela un autre livre ! Est-ce à dire que l’A. se borne à recopier les anciens manuels que l’on a mis au rebut dans les années soixante ? Non ! Car l’argumentation s’est enrichie depuis, nourrie des apports d’un grand nombre de disciplines. Je me bornerai ici à relever quelques-unes des nouveautés les plus intéressantes.
Au chapitre de la théologie naturelle, on notera le foisonnement d’arguments visant à démontrer que le passé ne peut pas être infini. Certains d’entre eux — ceux qui s’appuient sur l’idée de traversée impossible — sont passibles de la critique qu’en avait faite saint Thomas (cf. Somme théologique, Ia, q. 46, a. 2, ad 6), mais d’autres résistent mieux : il s’agit des arguments en faveur du « finitisme causal » qui, chose intéressante, sont repris par Lavagna auprès d’auteurs américains à forte sensibilité thomiste, comme Robert C. Koons ou Alexander R. Pruss (with a leibnizian twist). Or, ces arguments visent à montrer que la série causale temporelle, aussi bien que toute série de causes simultanées, est nécessairement finie. Sur le fond, et d’un point de vue thomiste, on peut se demander si une refonte de la distinction entre séries causales accidentellement ordonnées et séries essentiellement ordonnées ne permettrait pas de faire passer la série causale temporelle des événements du côté des séries essentiellement ordonnées — auquel cas on pourrait démontrer, sans contredire saint Thomas, que le passé est nécessairement fini. Voilà du travail pour les jeunes thomistes.
Au chapitre de la défense du christianisme, on appréciera tout particulièrement la synthèse très complète consacrée à l’authenticité, à la datation et à la fiabilité des évangiles. Sur ce point, la thèse soutenue par l’A. est celle d’une datation haute (avant 70), dans le sillage de John A. T. Robinson, et sur les mêmes bases. Parmi les petits arguments qui font mouche — et le livre en compte d’innombrables — on relève la citation de l’évangile de saint Luc (10, 7) que l’on trouve dans la première épître de Paul à Timothée (5, 18) — ce qui fait remonter ledit évangile avant la mort de saint Paul, c’est-à-dire avant 67 — à supposer bien sûr qu’on accepte l’attribution de cette épître à saint Paul, ce qui demeure la thèse catholique traditionnelle. Intéressant aussi le passage en revue de toutes les hypothèses naturalistes disponibles pour expliquer le tombeau vide, les expériences d’apparition et le revirement des apôtres.
Enfin, au chapitre du catholicisme stricto sensu, on appréciera la défense efficace du sacerdoce, de la papauté et des dogmes mariaux, qui est conçue pour répondre aux doutes des catholiques mal catéchisés et aux objections des protestants évangéliques, très actifs auprès des jeunes « qui se posent des questions ». Ce livre est un témoignage éclatant de l’immense soif de rationalité qu’ont fait naître quelques décennies de découpage, collage, coloriage et papier crépon dans l’âme d’une jeunesse qui cherche la vérité. Comme le dit l’A. : « Nous devons annoncer au monde que nous ne sommes pas catholiques parce qu’il s’agit d’une “belle histoire” ou parce que cela nous “fait plaisir d’y croire”. Nous sommes catholiques d’abord et avant tout parce que le catholicisme est vrai » (p. 411).
Frédéric Guillaud