La conscience morale à Vatican II et dans le Magistère postérieur

Luc-Thomas Somme o.p.
5,00 € l'unité
2010 - Fascicule n°1
1800
217 - 240
Article

Résumé

À la différence du Catéchisme de l’Église catholique qui s’en inspirera largement, le concile Vatican II ne se propose pas de présenter l’ensemble de la doctrine chrétienne en général, ni de la morale en particulier. Pourtant, nombre de ses constitutions, décrets et déclarations ne manquent pas d’évoquer soit des questions éthiques spécifiques soit des notions morales fondamentales. Tel est le cas de la conscience, évoquée à plusieurs occasions, mais traitée pour elle-même au n° 16 de la constitution pastorale Gaudium et spes. Alors que cette notion sera au cœur d’âpres controverses dans la période de l’après-Concile, une étude de la formation du texte de ce numéro montre que celui-ci ne suscite pas de débat notable dans l’aula conciliaire et bénéficie d’un large consensus. Quatre décennies plus tard, il apparaît que le Magistère postérieur, sans cesser de citer ce numéro, en a protégé l’interprétation contre le subjectivisme et le relativisme, en précisant la « voix de Dieu parlant intérieurement » dans le sens de l’objectivité de la vérité et de la loi morales. La distance de ton entre la constitution Gaudium et spes et l’encyclique Veritatis splendor est délibérément grande, et pourtant la seconde ne renie pas la première ; elle la précise et prémunit contre un mésusage qui irait au rebours de l’intention du texte.

Extrait

Plusieurs des grands documents du concile Vatican II évoquent la conscience morale. Le décret Dignitatis humanae sur la liberté religieuse énonce le devoir d’en respecter la liberté et les droits, et la constitution dogmatique Lumen gentium, n° 16, y rapporte la possibilité du salut pour des non-chrétiens. La constitution pastorale Gaudium et spes surtout consacre tout un numéro à en exalter la dignité (GS, no 16). Les mentions de sa faillibilité et de la nécessité de sa formation ne manquent pas d’être mentionnées, mais le soulignement de sa noblesse prédomine nettement. Il s’intègre en effet à la mise en valeur de la dignité de l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et à l’attitude nouvelle de l’Église par rapport au monde voulue par le Concile, non sans d’intenses débats, et qui restera au cœur des crises postconciliaires. Dans cette perspective, le concept de conscience promu par le Concile s’apparente bien moins à la conception thomiste qu’à une orientation de type augustino-newmanien la représentant essentiellement comme une sorte de lieu où Dieu parle à l’intime de l’homme. Il est bien clair que cette conscience n’est aucunement envisagée comme indépendante de la loi de Dieu ni a fortiori comme contraire à elle : elle en est bien plutôt essentiellement solidaire, en tant qu’elle l’intériorise dans le cœur humain.