La vertu d’espérance est un thème très fréquent du Magistère récent. En examinant les documents des dernières décennies, depuis le concile Vatican II, nous trouvons la constitution Gaudium et spes, puis l’encyclique de Benoît XVI Spe salvi, entièrement consacrée à ce thème. C’était également un point d’insistance de Jean-Paul II, qui a choisi d’intituler l’un de ses ouvrages d’entretien Entrez dans l’espérance.
C’est enfin l’un des thèmes préférés du pape François. Il l’aborde dans Evangelii gaudium où il dresse le constat que dans les pays dits riches, « la crainte et la désespérance s’emparent du cœur de nombreuses personnes » (no 52). La joie de l’Évangile ne se fondera que sur l’espérance. Cette vertu est également mentionnée dans Laudato si (no 61 et 74). Nous trouvons enfin la bulle d’indiction de l’année jubilaire 2025 : Spes non confundit, « l’espérance ne déçoit pas ».
La constance de cet intérêt s’explique sans doute facilement. D’une part l’espérance est une vertu théologale qui nécessite d’être régulièrement rappelée. Alors que la foi et la charité occupent une place importante dans l’enseignement chrétien, l’espérance reste souvent dans l’ombre. Elle est la petite sœur qui est facilement oubliée, « cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout », comme dit Charles Péguy[1]. On peut se demander si cette place de petite sœur est véritablement méritée.
D’autre part, la situation de l’homme dans le monde rend plus urgente la nécessité d’aborder ce thème. À l’époque du concile Vatican II, les idéologies totalitaires proposaient une forme d’espérance en opposition avec l’enseignement de l’Évangile, en promettant un paradis sur terre. L’Église devait alors rappeler que le véritable paradis se trouve seulement au ciel. Il a fallu quelques millions de morts pour qu’on finisse par entendre la voix de la raison. Aujourd’hui, la situation s’est retournée : il n’y a plus de paradis du tout. L’homme est laissé seul devant des crises multiples : financières, écologiques, géopolitiques, etc. Dans ce contexte, l’enseignement sur l’espérance devient d’une importance cruciale. Qu’est-ce que la vertu d’espérance ?
I. Nature de la vertu d’espérance
L’homme attend toujours quelque chose. Avant d’être un homme qui espère d’espérance, l’homme vit d’abord de l’espoir. La langue française distingue l’espoir, qui est humain, et l’espérance, qui est une vertu théologale. Cette distinction n’existe pas dans la plupart des langues et même en français, les deux termes sont liés par un même verbe : espérer.
L’espoir dans la vie humaine
Chez l’homme, l’espoir est omniprésent. Saint Thomas d’Aquin classe l’espoir parmi les « passions », c’est-à-dire les mouvements affectifs que l’homme partage avec le règne animal. Par exemple, le chien court après le lièvre proche de lui parce qu’il espère l’attraper et le manger. Cette attirance va mobiliser toute son énergie et ses ressources vitales pour tenter de capturer sa proie.
Pour saint Thomas d’Aquin, l’espoir naît de la perception du bien futur difficile mais possible[2]. Ces deux éléments sont essentiels. L’espoir se distingue du désir, qui a pour objet un bien possible mais qui n’est pas difficile à obtenir : ainsi pour le chien du lièvre déjà mort à ses pieds qui n’attend plus qu’à être mangé. L’espoir se distingue également de la passion opposée de désespoir, qui a pour objet le bien impossible à obtenir. Ainsi pour le chien du lièvre qu’il aperçoit au loin et qu’il ne pourra pas attraper malgré la faim qui lui tenaille le ventre.
Dans l’existence humaine, l’espoir façonne notre vie quotidienne. Nous vivons en élaborant des projets, en anticipant et préparant les activités agréables que nous prévoyons. Pour les personnes malades ou en fin de vie, la capacité de faire des projets revêt une importance vitale.
Cette composante affective sous-tend la dynamique de toute vie humaine, précédant la réflexion morale, puisque même l’animal est concerné par cette structure. L’homme discernera ensuite quels espoirs sont bons (c’est-à-dire ceux qui sont conformes à la dynamique de l’existence qu’il a choisie), réalisables et à sa portée. Les vertus humaines entrent ici en jeu.
L’espérance comme vertu théologale
Malgré l’enracinement très profond de l’espoir dans la nature humaine, l’espérance n’est pas une vertu cardinale, accessible à la nature, mais elle est une vertu théologale, accessible seulement par la grâce. Cela signifie que cette structure humaine de l’espoir ne pourra s’accomplir définitivement que par l’action de Dieu.
En effet, l’espoir comporte une imperfection intrinsèque. L’espoir caractérise celui qui ne possède pas ce qu’il désire[3]. C’est la raison pour laquelle la plupart des philosophes anciens, notamment les stoïciens qui récusaient toute passion, considéraient que l’espoir aliénait l’homme : l’espoir est une source constante d’illusion, de déception et de souffrance[4]. Chez Hésiode (dans Les Travaux et les Jours) l’espoir est la seule chose qui reste aux hommes après que Pandore a ouvert la boîte de laquelle se sont échappés tous les maux ; mais l’espoir est une vaine consolation. C’est donc à juste titre que saint Paul décrit les païens comme ceux « qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4, 13 ; Ep 2, 12). Pour saint Paul, l’espérance caractérise le chrétien ; tandis que l’absence d’espérance caractérise le non-chrétien. Tout comme la foi, l’espérance est constitutive de l’existence chrétienne.
Cela souligne un défaut fondamental de l’espoir humain : son absence de fondement. Les adages populaires le soulignent : « le pire est toujours certain », ou la loi de Murphy : si une chose peut mal tourner, elle tournera mal. Ces adages qui ne sont pas toujours si erronés fabriquent des êtres pessimistes voire cyniques. Ce sont des êtres sans espérance qui, en réalité, se méprennent complètement. En effet, les espoirs humains s’appuient sur la vertu théologale d’espérance.
Benoît XVI, dans son encyclique Spe salvi, fait la distinction entre les « petites espérances » et la « grande espérance », distinguant ainsi l’espoir humain et l’espérance théologale. La grande espérance est l’espérance du bonheur du ciel, le terme ultime de notre vie humaine. C’est elle qui fonde les petits espoirs de notre vie quotidienne, nous permettant d’avancer dans le présent : « C’est seulement lorsque l’avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable[5] ». C’est parce qu’il y a la grande espérance que nos espoirs humains possèdent une valeur. En effet, la grande espérance replace nos petits espoirs dans une perspective plus large. Elle nous fait échapper à la tentation du « À quoi bon ? ». Celui qui est dépourvu d’orientation ultime est toujours tenté de se poser cette question : je vais travailler pour gagner de l’argent, je gagne de l’argent pour nourrir ma famille et être utile à la société. Mais si la vie n’a aucun sens, à quoi bon avoir des enfants et faire grandir la société ? Alors que le chrétien, orienté par l’avènement du Royaume de Dieu, saura répondre à cette question.
Les petits espoirs de la vie quotidienne sont donc nécessaires mais ils n’ont de sens que s’il existe une espérance plus grande :
« Nous avons besoin des espérances – des plus petites ou des plus grandes – qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin. Mais sans la grande espérance […], elles ne suffisent pas. Cette grande espérance ne peut être que Dieu seul […] qui peut nous proposer et nous donner ce que, seuls, nous ne pouvons atteindre[6] ».
La grande espérance constitue donc l’horizon de nos plus petits espoirs. Les petits espoirs appellent une plus grande espérance ; la grande espérance permet aux plus petits espoirs d’avoir un sens ultime en donnant un terme ultime bienheureux à l’existence.
Il y a ainsi à la fois une continuité et une césure entre l’espoir et l’espérance. L’espérance constitue l’horizon de l’espoir. Mais la vertu d’espérance porte sur la vie éternelle. Les biens matériels ou la santé, en tant que tels, ne sont pas objets d’espérance mais seulement objets d’espoir. Ils peuvent entrer dans le cadre de l’espérance seulement au titre où ils nous conduisent vers la vie éternelle. Saint Thomas d’Aquin fait ainsi la distinction entre l’objet premier de l’espérance, à savoir la vie éternelle, et les objets seconds de l’espérance, qui sont les réalités créées en tant qu’elles nous conduisent à la béatitude.
« De même qu’il n’est pas permis d’espérer un bien quelconque comme fin ultime en dehors de la béatitude, mais seulement comme ce qui est ordonné à la fin qu’est la béatitude, de même il n’est pas permis de mettre son espérance dans un homme ou une autre créature comme dans une cause première qui mène à la béatitude. Mais il est permis de mettre son espérance en un homme ou une créature comme dans un agent secondaire et instrumental qui aide dans la recherche de tous les biens ordonnés à la béatitude[7]. »
Ce texte de saint Thomas d’Aquin montre la dynamique qui doit guider notre espérance : elle peut s’appuyer sur ce qui est humain pour aller vers la vie éternelle ; mais elle ne peut s’y arrêter comme à une fin ultime. L’espérance est ainsi une vertu théologale qui se rapporte à la recherche du bien qui est la dynamique de notre vie. L’espérance se différencie donc de la foi. En effet, la foi a pour objet Dieu en tant qu’il est source de la connaissance de la vérité alors que l’espérance a pour objet Dieu en tant qu’il nous permet d’acquérir le bien ultime[8].
La dimension objective de l’espérance
Benoît XVI, dans son encyclique Spe salvi, insiste sur un point qui lui tient à cœur, déjà développé dans un article de 1984 sur l’espérance[9]. Benoît XVI s’appuie sur ce verset de l’épître aux Hébreux : « La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (He 11, 1 suivant la traduction de la Bible de Jérusalem). En grec, le texte affirme que la foi est l’hypostase des biens qu’on espère. L’hypostase est ce qui se tient dessous, le fondement. La Vulgate a traduit ce terme par substantia (substance). L’espérance n’est pas simplement une conviction subjective, mais elle est l’existence en nous (déjà) de ce qu’on espère. Elle est le socle ferme sur lequel repose l’espérance. Dans l’espérance, Dieu ne nous donne pas seulement une confiance qui anesthésierait notre peur de l’avenir, mais il nous donne la réalité même qui nous donne d’espérer.
Le chrétien, malgré les difficultés, aura toujours cette appréciation positive de la réalité où il verra le bien à l’œuvre, et où il aura la force de poursuivre ces œuvres bonnes parce qu’il sait que l’histoire va dans le bon sens. « L’espérance ne déçoit pas » titre la bulle d’indiction du jubilé en reprenant une parole de saint Paul (Rm 5, 5).
Dans le texte de l’épître aux Hébreux, il y a en réalité un jeu de mots. Car avant de donner cette définition de la foi, l’auteur présente une série de termes qui ressemblent à « hypostase ». Les hébreux ont accepté la spoliation de leurs biens (hyparchôn), c’est-à-dire de leur argent, pour une réalité meilleure (hyparxis). Il termine en disant que nous ne sommes pas des êtres de dérobade (hypostolè) pour la perdition mais des hommes de foi.
Ce jeu de mots nous enseigne que l’espérance est un fondement plus solide que tous les fondements humains qui ne sont que provisoires. Elle est le vrai fondement, l’hypostasis. Et cette hypostasis, dit l’auteur, doit s’accompagner d’hypomènè, c’est-à-dire de patience. Rappelons-nous : l’espoir concerne un bien auquel on peut accéder mais un bien difficile. L’espérance doit donc nécessairement s’accompagner d’une certaine constance. Le chrétien n'est pas celui qui peut faire appel au Père Noël quand il est privé de ses biens, mais celui qui tient dans les épreuves parce qu’il sait que cette épreuve n’est que provisoire. Il sait qu’il se dirige vers le Ciel où il verra Dieu face à face. Le Ciel existe, le Christ a déjà remporté la victoire et est monté au Ciel où il nous attend et où il nous attire. Ce n’est pas la méthode Coué mais c’est l’assurance que nous donne la foi que le fondement de l’espérance existe.
L’espérance nous rajeunit
Josef Pieper, un philosophe catholique du XXe siècle, exprime cette particularité de l’espérance de manière rafraîchissante. Il explique que l’espérance vient rajeunir notre espoir. Il s’appuie sur ce verset du prophète Isaïe : « Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force, […] ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer. » (Is 40, 31)
Cela se comprend aisément lorsqu’on considère que l’espoir et l’espérance concernent une dynamique, c’est-à-dire une orientation vers un accomplissement. Plus on est jeune, plus on a d’énergie pour se diriger vers cet accomplissement. En effet, la caractéristique de l’enfant ou de l’adolescent est qu’il a toute la vie devant lui ; il pense constamment à l’avenir puisque son passé est très court, quitte à bâtir des châteaux en Espagne. Il est nourri d’espoir. Au contraire, celui qui arrive à un âge avancé pense moins à l’avenir et se nourrit de ses souvenirs heureux, parfois en ressassant malheureusement les souvenirs moins heureux. Or l’espérance nous tourne vers l’avenir, non pas un avenir seulement humain, mais l’avenir de Dieu, le terme ultime de notre vie dans la béatitude céleste. C’est un avenir beaucoup plus long que notre passé, qui devient très court au regard de cet avenir. L’homme qui espère est toujours jeune, car il a toujours le regard fondamentalement tourné vers l’avenir.
Josef Pieper, en proposant cette réflexion, nous met en garde. « Que l’on n’aille pas croire, dit-il, que je fais des concessions à l’esprit de notre époque [sous-entendu le jeunisme]. Comme saint Augustin l’a dit avec tant d’à-propos : ‘Dieu est le plus jeune de tous’[10]. » En effet, dans son éternité, il n’a pas de passé ni d’avenir mais un éternel présent.
L’espérance est donc pour tous les âges. Pour le plus jeune, elle soutient ses espoirs humains en donnant une véritable dynamique à son existence. Pour le plus âgé, elle l’aide à se tourner vers le véritable avenir de sa vie, elle lui permet d’échapper à la seule nostalgie pour lui permettre d’aller de l’avant à partir de ce qu’il a vécu.
II. Comment nourrir l’espérance ?
Après avoir exposé la nature de l’espérance, il convient maintenant d’examiner la manière de nourrir cette vertu. De nombreuses voies sont envisageables : dans sa bulle, le pape François évoque le sacrement de pénitence, la démarche de pèlerinage importante durant une année sainte, l’importance de l’enseignement sur les fins dernières, etc. Nous nous attarderons ici sur deux aspects fondamentaux liés à la nature de l’espérance : la prière et la patience. Saint Paul nous adresse en effet cette invitation : « Ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière » (Rm 12, 12).
La prière
Le Compendium de théologie de saint Thomas d’Aquin, un ouvrage inachevé destiné à résumer la théologie, devait présenter la foi en trois parties correspondant aux trois vertus théologales : foi, espérance et charité. Pour la vertu de foi, saint Thomas a choisi le Credo ; pour la vertu d’espérance, le Notre Père (partie à peine ébauchée) ; et pour la vertu de charité (jamais traitée), les dix commandements. Cette structure rappelle celle du Catéchisme de l'Église catholique, bien que l’ordre y soit légèrement modifié (les commandements viennent avant le Notre Père).
Pourquoi associer l’espérance et le Notre Père ? Saint Thomas l’explique ainsi. Il fait d’abord remarquer que l’espoir humain s’apaise lorsque l’objet espéré est obtenu. Quand la maman donne un jouet à son enfant, celui-ci arrête de pleurer. Cependant, dans le cas de l’espérance, nous ne pouvons pas obtenir ici-bas ce que nous désirons ; nous ne l’obtiendrons qu’au ciel. L’espérance est donc constante, c’est une caractéristique fondamentale de l’existence chrétienne en chemin. L’espérance disparaîtra au Ciel, mais pas sur terre.
L’espérance porte donc sur des biens auxquels nous n’avons pas accès ici-bas, sinon par la foi qui est une connaissance partielle. Sur terre, l’espérance court donc le risque de s’épuiser. Pour ne pas s’endormir, il faut nourrir l’espérance en lui présentant les biens à demander sans cesse. Pour cela, le Christ lui-même nous a enseignés à prier. Il nous a enseignés ce qu’il faut demander pour raviver notre espérance.
La prière est donc l’expression de l’espérance car celui qui prie évoque ce qu’il ne peut pas obtenir par lui-même mais seulement par le don de Dieu. La prière est « l’interprète de l’espérance » (interpretativa spei) dit saint Thomas[11].
La patience
L’épître aux Hébreux affirmait que l’espérance doit s’accompagner de patience. La bulle du pape François insiste beaucoup sur ce point pour notre époque dominée par l’« ici et maintenant ».
La patience est liée à l’espérance, car elle la favorise. Celui qui cultive la patience est plus apte à attendre le ciel, qui n’est pas pour maintenant. Réciproquement, l’espérance renforce la patience. En sachant que nous ne serons comblés que dans l’au-delà, nous avons plus de facilité à supporter les épreuves de ce monde. Le pape François voit là une clé pour notre époque.
« Dans un monde où la précipitation est devenue une constante, nous nous sommes habitués à vouloir tout et tout de suite. On n’a plus le temps de se rencontrer et souvent, même dans les familles, il devient difficile de se retrouver et de se parler calmement[12]. »
Le pape François nous invite à retrouver le rythme de la création, l’alternance des saisons, le développement lent de la vie des plantes et des animaux. En apprenant la patience par un rythme plus lent, nous grandirons dans l’espérance.
III. Conclusion
Il est crucial de nourrir notre espérance, mais peut-être plus encore de prendre conscience de cette espérance. L’espérance est souvent la vertu théologale qui passe inaperçue, derrière la foi et la charité. Le P. Bernard Bro affirmait : « secrètement, on espère beaucoup plus qu’on ne le croit[13]. » Pour le montrer, il se référait à l’évangile des disciples d’Emmaüs. Les deux compagnons avaient mis leur foi dans le Christ et l’avaient vu ensuite crucifié. « Nous espérions, disent-ils, que c’était lui, Jésus, qui allait délivrer Israël » (Lc 24, 21). Mais il est mort en Croix. « Quelques femmes nous ont, il est vrai, stupéfié » (Lc 24, 22) poursuivent-ils. Et pourtant ils n’osent pas espérer. C’est le Christ qui viendra rallumer la flamme en interprétant les Écritures (Lc 24, 27), ce qui amènera les disciples à constater : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous interprétait les Écritures ? » (Lc 24, 32)
Les raisons d’espérer sont présentes en nous par la foi. Mais il faut encore laisser notre cœur être réchauffé par le Christ. Les fondements sont là, il faut que l’espérance jaillisse en nous. C’est le Christ qui est le fondement de notre espérance, comme une ancre fixée dans le ciel, selon l’image paradoxale de l’épître aux Hébreux (He 6, 19). L’image est paradoxale car l’ancre est normalement fixée en terre, plus stable que la mer. Mais dans cette métaphore, c’est la terre qui est instable et le ciel qui est plus stable. Saint Thomas d’Aquin commente en disant que le Christ est entré au cœur du tabernacle, et qu’il y a fixé notre espérance[14]. Il nous incombe désormais de faire vivre cette espérance en nous.
Fr. Ghislain-Marie Grange, o.p.
[1] Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912.↩
[2] Thomas d’Aquin, Sum. theol., Ia-IIae, q. 40, a. 6, resp.↩
[3] Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa-IIae, q. 17, a. 1, obj. 3.↩
[4] Paul O’Callaghan, Christ Our Hope: An Introduction to Eschatology, Catholic University of America Press, 2011, p. 5‑6.↩
[5] Benoît XVI, Encyclique Spe salvi, n° 2.↩
[7] Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa-IIae, q. 17, a. 4, resp.↩
[8] Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa-IIae, q. 17, a. 6, resp.↩
[9] Joseph Ratzinger, « De l’espérance », Communio 9/4 (1984), p. 32-46.↩
[10] Josef Pieper, De l’espérance, Raphaël, Suisse, 2001, p. 44.↩
[11] Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa-IIae, q. 17, a. 2, obj. 2.↩
[12] Pape François, Bulle Spes non confundit, no 4.↩
[13] Bernard Bro, Contre toute espérance, Cerf, Paris, 1975, p. 202.↩