Qu'est-ce que la théologie catholique ?

Cajetan Cuddy
En s’appuyant sur le Catéchisme de l’Église catholique, l’enseignement de saint Thomas d’Aquin et le magistère récent, fr. Cajetan Cuddy montre la nature de la théologie catholique. La théologie est une recherche de compréhension à partir de la révélation. Elle est ainsi une science et une sagesse.

Le premier paragraphe du Catéchisme de l'Église catholique résume ainsi l'ensemble de la vie chrétienne et, par conséquent, l'objectif de la théologie catholique :

Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans l’unité de sa famille, l’Église. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans l’Esprit Saint, ses enfants d’adoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse. (CEC n° 1)

La signification profonde du tout premier mot du Catéchisme ne doit pas être sous-estimée. Pour résumer la foi et de la morale catholiques, le Catéchisme commence par Dieu. Pourquoi ? Dieu est le début et la fin de la doctrine chrétienne. Donc Dieu est le centre de la théologie sacrée.

Dieu « appelle [l'homme], l’aide à Le chercher, à Le connaître, à L'aimer de toutes ses forces ». La présence de Dieu à ses créatures est double : toute réalité est connue et aimée par Dieu ; mais les personnes humaines sont également capables de connaître et d’aimer Dieu elles-mêmes. Il appartient à la vocation primordiale de la personne humaine de poursuivre Dieu à travers la connaissance et l'amour. La personne humaine est appelée de manière unique à poursuivre Dieu d'une manière spécifiquement rationnelle par la connaissance et l'amour. Dans son tout premier paragraphe, le Catéchisme fournit une feuille de route pour l'ensemble de la vie humaine et de la pensée catholique. En d'autres termes, ce seul paragraphe donne un compte-rendu concis de l'essence de la théologie catholique.

Comme nous le verrons, la théologie catholique n'est pas une discipline naturelle, mais plutôt une science sacrée, qui procède de principes divinement révélés (ou vérités premières).

I. La lumière de la foi et de la théologie sacrée

En tant que théologie sacrée, la théologie catholique procède à la lumière de la foi. Le Catéchisme explique que « la foi est d'abord une adhésion personnelle de l'homme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, l’assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélée » (CEC n° 150, souligné dans l'original). La foi est la vertu par laquelle la personne humaine, dans cette vie présente, croit tout ce que Dieu a révélé parce que Dieu l'a révélé. C'est pourquoi la foi est classée parmi les vertus théologales. « Le motif de croire n’est pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle. Nous croyons « à cause de l’autorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper » (CEC n° 156). Ce motif derrière l’assentiment de la foi – l’« objet formel » de la foi – explique la différence essentielle entre la foi théologale et la croyance purement humaine. L'autorité de Dieu est le fondement et l'objet de la foi. Le motif exclusif qui conduit à la foi théologale est Dieu lui-même : Révélation de la Vérité Première.

« La foi est d'abord une adhésion personnelle à Dieu et un assentiment à sa vérité. » Ainsi, « la foi chrétienne diffère de la foi en une personne humaine. Il est juste et bon de se confier totalement en Dieu et de croire absolument ce qu'il dit » (CEC n° 150). Parce que Dieu est la Vérité même, il ne peut tromper. La foi est « plus certaine que toute connaissance humaine, parce qu'elle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir ». Bien que « les vérités révélées [puissent] paraître obscures à la raison et à l'expérience humaines [...] “la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle” » (CEC n° 157).

Comme nous l'avons vu, la lumière surnaturelle de la foi dépasse les capacités naturelles de la personne humaine. La foi n'est pas le produit de l'ingéniosité ou de l'effort humain. « La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infusée par Lui » (CEC n° 153). Comme l'a fait remarquer Louis Bouyer, « ce ne sont pas les raisons abstraites de croire en Dieu qui ont jamais été, pour aucun homme, à la source de sa croyance » (Bouyer, Le Père invisible, 1976, p. 9). Pour faire un acte de foi, la personne humaine « a besoin de la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que des secours intérieurs du Saint-Esprit. Celui-ci touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité" » (CEC n°153). La foi permet au chrétien de voir et de connaître toutes choses sous une lumière surnaturelle.

Le dépôt de la foi et les articles de foi

La catholicité de la foi découle du fait que « Dieu "veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité", c'est-à-dire du Christ Jésus. Il faut donc que le Christ soit annoncé à tous les peuples et à tous les hommes et qu’ainsi la Révélation parvienne jusqu’aux extrémités du monde » (CEC n° 74). Jésus-Christ lui-même est la plénitude de la révélation divine. Il a confié aux apôtres son message évangélique, « d’abord promis par les prophètes », et « [l']ayant accompli Lui-même et proclamé de sa propre bouche » (CEC n° 75). Et les apôtres ont transmis oralement et par écrit à leurs successeurs, les évêques, l'Évangile qui leur avait été confié (CEC n° 76-77). « Il en résulte que l’Église à laquelle est confiée la transmission et l’interprétation de la Révélation, "ne tire pas de la seule Écriture Sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi la Sainte Écriture et la Sainte Tradition doivent être reçues et vénérées avec égal sentiment d’amour et de respect" » (CEC n° 82).

« L’héritage sacré de la foi (depositum fidei), contenu dans la Sainte Tradition et dans l’Écriture Sainte a été confié par les apôtres à l’ensemble de l’Église » (CEC n° 84). Nous voyons comment l'Église sert de contexte à la foi théologale. Parce que l'Église est « la colonne et le soutien de la vérité » (1 Tm 3:15), elle « garde fidèlement "la foi qui a été transmise aux fidèles une fois pour toutes" (Jude 3). C’est elle qui garde la mémoire des Paroles du Christ, c’est elle qui transmet de génération en génération la confession de foi des apôtres ». Avec une sollicitude maternelle, l'Église « nous apprend le langage de la foi pour nous introduire dans l’intelligence et la vie de la foi » (CEC n° 171).

« Dès l'origine, l'Église apostolique a exprimé et transmis sa propre foi en des formules brèves et normatives pour tous. Mais très tôt déjà, l'Église a aussi voulu recueillir l'essentiel de sa foi en des résumés organiques et articulés » (CEC n° 186). Ces « synthèses » de « symboles » ou « professions de foi » sont appelées credo (du mot latin credo, « je crois »). Les credo contiennent les articles de foi.

Le Catéchisme explique que « [de] même, en effet, que dans nos membres, il y a certaines articulations qui les distinguent et les séparent, de même, dans cette profession de foi, on a donné avec justesse et raison le nom d’articles aux vérités que nous devons croire en particulier et d’une manière distincte » (CEC n° 191). Les articles de foi sont donc des vérités de foi distinctes comprises dans le dépôt sacré de la foi. Les fidèles doivent croire les articles du Credo « afin qu'en croyant ils obéissent à Dieu, qu'en obéissant ils vivent bien, qu'en vivant bien ils purifient leur cœur et qu'en purifiant leur cœur, ils comprennent ce qu'ils croient » (CEC n° 2518).

Le dépôt de la foi est un tout unifié, et les articles de foi témoignent de l'unité et de l'intégrité de ce dépôt sacré. Ensemble, les articles individuels communiquent la révélation divine confiée à l'Église sous la garde des apôtres. De plus, comme l'observe le Catéchisme, ces articles sont ordonnés à la transformation purificatrice du cœur humain et à l'approfondissement de la foi qu'il reçoit.

« La foi à la recherche de compréhension»

Si la foi est une vertu surnaturelle insufflée par Dieu, elle se traduit aussi par un acte authentiquement humain. « Croire n'est possible que par la grâce et les secours intérieurs du Saint-Esprit. Il n'en est pas moins vrai que croire est un acte authentiquement humain ». Par conséquent, « [il] n’est contraire ni à la liberté ni à l’intelligence de l’homme de faire confiance à Dieu et d’adhérer aux vérités par lui révélées » (CEC n° 154).

Les pouvoirs de la connaissance et de l'amour humains ne sont pas supprimés par l'influence de la grâce divine ou de la foi théologale. En raison de la présence immédiate de Dieu à toute la réalité créée, son influence causale sur la réalité créée n'est en aucun cas violente ou perturbatrice. En tant que cause première et fin ultime de toutes choses, Dieu agit intimement dans tout ce qu'il a créé. La providence divine s'étend jusqu'aux profondeurs les plus intérieures de toutes choses. Ainsi, « dans la foi, l'intelligence et la volonté humaines coopèrent avec la grâce divine : “croire est un acte de l'intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce” » (CEC n° 155).

Parce que la personne humaine reçoit la révélation divine, la révélation divine est proportionnée à la nature humaine. Si la foi transcende la raison humaine, elle ne la violente pas pour autant. En effet, le Catéchisme explique que pour « que l’hommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation » (CEC n° 156). Ces « preuves extérieures » ne sont pas, à proprement parler, des démonstrations des vérités surnaturelles révélées par la Révélation divine. Ce sont plutôt des motifs de crédibilité (motiva credibilitatis) : les « signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous [et] qui montrent que l’assentiment de la foi n’est "nullement un mouvement aveugle de l’esprit" » (CEC n° 156). Si la foi dépasse la raison humaine, elle n'en demeure pas moins éminemment raisonnable.

L'une des définitions les plus célèbres de la théologie sacrée est celle de saint Anselme de Canterbury (1033/4-1109) : la foi en quête de compréhension. Parce que la foi est proportionnée à la nature humaine et, par conséquent, à la raison humaine, la foi ne s'oppose pas à l'inclination naturelle de l'homme à comprendre la vérité. En effet, « il est intrinsèque à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi et mieux comprendre ce qu'Il a révélé ». La foi ne neutralise pas la raison humaine et ne rend pas l'intelligence humaine inerte. Au contraire, la foi suscite dans la personne humaine un désir sanctifié de « connaissance plus pénétrante » et « d'intelligence vive des contenus de la Révélation » (CEC n° 158).

II. La théologie sacrée : approfondir la connaissance humaine de la vérité révélée

Dans l’encyclique Fides et Ratio, Jean-Paul II définit ainsi la tâche de la théologie :

« La théologie s'organise comme la science de la foi, à la lumière d'un double principe méthodologique: l'auditus fidei et l'intellectus fidei. Selon le premier principe, elle s'approprie le contenu de la Révélation de la manière dont il s'est progressivement développé dans la sainte Tradition, dans les saintes Écritures et dans le Magistère vivant de l'Église. Par le second, la théologie veut répondre aux exigences spécifiques de la pensée, en recourant à la réflexion spéculative. » (Jean-Paul II, Fides et ratio, n° 65).

Ainsi, la théologie sacrée est la réponse humaine sanctifiée à la révélation divine reçue dans la foi. Plus précisément, la théologie sacrée est la quête permanente d'une compréhension plus profonde de ce que Dieu a révélé « pour nous, les hommes, et pour notre salut ». La théologie sacrée travaille à partir du contenu de la révélation divine, sous la forme de la foi théologale et dans la structure de la compréhension humaine. Chacun de ces éléments contribue à la nature de la théologie sacrée.

Yves Congar explique que « le terme "théologie" signifie un exposé raisonné sur Dieu ». La théologie « peut être définie comme un ensemble de connaissances qui interprète, élabore et ordonne rationnellement les vérités de la Révélation » (Congar, History of Theology, p. 25). Cela ne doit pas être compris dans un esprit de système, tentation des intellectualismes desséchants, mais comme un souci de conserver l’unité organique de la foi. La fonction essentielle de la théologie sacrée est de rendre compte de la révélation divine de Dieu. La finalité ou le but de cette discipline sacrée est la conformité avec le saint enseignement de Notre Seigneur. La théologie sacrée est donc la plus complexe de toutes les disciplines. La sublimité de la révélation divine exige beaucoup de l'intellect humain, qui cherche à comprendre ce qui a été révélé. Aucune autre connaissance n'atteint la dignité des vérités surnaturelles reçues dans la foi. Et aucune autre œuvre de contemplation acquise n'est aussi exigeante que celle de la théologie sacrée.

Cette recherche théologique est, paradoxalement, la plus simple et la plus complexe de toutes les activités intellectuelles. La théologie sacrée est simple dans la mesure où son objectif est simple : Dieu lui-même. Elle est complexe parce que le processus de la connaissance humaine n'est pas simple et que le mystère de Dieu la dépasse. La connaissance humaine est un processus qui comprend de nombreuses parties et nécessite de nombreuses étapes. « La tradition catholique affirme que, du point de vue de la réalité divine crue, les vérités de la foi restent simples et une, mais que, du point de vue de l'acte du croyant, les réalités divines prennent une forme humaine dans la connaissance et l'affirmation. Les propositions de la foi adaptent la vérité divine aux limites de notre intelligence[1] ». La contemplation de la théologie sacrée est donc merveilleusement « tendue » entre les deux pôles de la simplicité et de la complexité.

La simplicité de Dieu et la complexité de la personne humaine éclairent toutes deux le travail de la théologie. Et les praticiens fidèles de la théologie sacrée ne sont jamais découragés par la sublimité et la contingence simultanées de leur discipline. La compréhension de la foi exige cette conjonction de sublimité et de contingence.

Ce n'est que dans la vision béatifique que l'intellect humain pourra contempler Dieu directement. Néanmoins, « [la] foi nous fait goûter comme à l’avance, la joie et la lumière de la vision béatifique, but de notre cheminement ici-bas. Nous verrons alors Dieu “face à face”, “tel qu’Il est”. La foi est donc déjà le commencement de la vie éternelle ». Et parce que la théologie est une réponse humaine à la foi, la théologie est effectivement une tentative systématique d'anticiper les gloires de voir Dieu tel qu'il est. Par conséquent, « [tandis] que dès maintenant nous contemplons les bénédictions de la foi, comme un reflet dans un miroir, c’est comme si nous possédions déjà les choses merveilleuses dont notre foi nous assure qu’un jour nous en jouirons» (CEC n° 163).

En raison de son infinie miséricorde et de sa bonté, Dieu, qui se connaît parfaitement, a choisi librement de révéler la connaissance qu'il a de lui-même. C'est la révélation divine. La vision béatifique est le moment où les créatures rationnelles voient Dieu tel qu'il est en lui-même, face à face, dans la patrie céleste. La théologie sacrée est l'activité des voyageurs ici-bas qui (1) ont reçu la révélation de Dieu dans la foi, (2) aspirent à la vision béatifique, (3) refusent d'attendre le ciel pour commencer à contempler les mystères divins et (4) appliquent leur intelligence à une meilleure compréhension des mystères divins sous une forme scientifique.

Les théologiens sont ceux qui ont décidé de commencer la contemplation de la vérité divine ici et maintenant. La théologie sacrée est donc une sorte d'impatience sanctifiée.

La théologie sacrée comme science

La théologie sacrée est une véritable science, une « science sacrée » (CEC n° 906). La science (ou scientia, en latin) est un type spécifique de connaissance.

La nature scientifique de la théologie sacrée provient de l'orientation vers la compréhension de l'intellect humain qui adhère aux articles de la foi. Comme nous l'avons vu plus haut, la foi ne supprime pas l'inclination de la raison à comprendre. Au contraire, la foi invite à la recherche rationnelle. Ainsi, la science théologique est le processus méthodique et délibéré par lequel l'intellect humain recherche l'intelligibilité de ce qui est connu par la foi. Ce processus est conforme à la nature et au contenu de la révélation divine, ainsi qu'à la forme et aux limites de la nature humaine. En d'autres termes, la science théologique reflète la sublimité surnaturelle de la foi par rapport aux exigences naturelles de la personne humaine.

Il existe deux types de connaissances intellectuelles : médiates et immédiates. Parce que la connaissance scientifique est le résultat du processus discursif de la démonstration, la théologie sacrée est une connaissance intellectuelle médiate : elle opère par le biais de la démonstration. En somme, la scientia est une connaissance intellectuelle médiate, caractérisée par la vérité et la certitude, car la science s'acquiert par le biais d'une connaissance préalable des premiers principes ou premières causes.

Les premiers principes sont le fondement absolu de toute science. Ils sont les points de départ – les « premières vérités » – du raisonnement scientifique. En effet, une science sans principes premiers est impossible. Aucune science ne prouve ou ne démontre ses propres principes premiers. Ainsi, la théologie sacrée ne démontre pas ses premiers principes, qui sont les articles de foi. Ces premiers principes sont divinement révélés par Dieu et sont reçus par le théologien dans la foi. C'est à la lumière des articles de foi que la théologie sacrée avance discursivement vers les vérités virtuellement contenues dans les premiers principes. À travers les articles de foi (« médiatement »), la science de la théologie sacrée est en mesure d'acquérir d'autres vérités (c'est-à-dire des conclusions) virtuellement contenues dans ces premiers principes de foi.

La théologie sacrée est donc la science de la foi. La foi fournit l'objectivité de cette science sacrée. L'objet formel de la théologie sacrée est la révélation divine. La connaissance comme divinement révélée est l'aspect sous lequel toutes les considérations scientifiques procèdent dans la science théologique. De plus, cet aspect unifie toutes les considérations au sein de la théologie sacrée.

Le sujet d'une science est ce que le scientifique cherche à apprendre. Le sujet propre de la science théologique est l'être divin (ens divinum) tel qu'il peut être connu par la révélation divine. Par conséquent, Dieu lui-même est le sujet principal de la théologie sacrée. Dieu est le premier référent de toute science théologique.

Cependant, toutes choses peuvent entrer dans la considération de la théologie sacrée, même si elles ne sont pas Dieu lui-même. Ces autres réalités relèvent du domaine scientifique de la théologie sacrée en référence à Dieu (sub ratione Dei) comme provenant de Dieu ou comme ordonnées à Dieu. Cette gamme universelle de « sujets secondaires » au sein de la théologie sacrée est unique parmi toutes les sciences (par exemple, la philosophie de la nature, la métaphysique, l'épistémologie). « C'est seulement parce que la raison est éclairée par la foi, qui est elle-même de Dieu, que la théologie sacrée peut avoir un champ d'application aussi étendu : tout l'être, créé et incréé, est pris en considération[2] ».

Bien que la théologie sacrée procède sous l'influence formelle de la lumière divine, elle reste une science limitée au mode de connaissance humain. La connaissance humaine progresse par étapes, de manière discursive ou démonstrative ; la science théologique reflète cette manière humaine de connaître.

Toutes les sciences authentiques (scientiae) jouissent de la certitude dans leurs conclusions. Cependant, les conclusions de la théologie sacrée jouissent du plus haut degré de certitude parce que la certitude des conclusions théologiques dépend de la certitude des principes de foi divinement révélés et peut s'y résoudre. En d'autres termes, toutes les conclusions valides tirées dans le cadre de la théologie sacrée portent les caractéristiques des principes dont elles découlent. Parce qu'ils proviennent de Dieu, les articles de foi sont absolument certains, et les conclusions tirées des articles de foi participent à la certitude de ces articles.

Il y a une véritable cohérence entre la certitude des articles de foi et la certitude des conclusions théologiques. Mais il y a encore une différence entre ces deux types de certitude. La certitude des articles de foi est une certitude immédiate. En revanche, la certitude des conclusions théologiques est une certitude médiate ou scientifique qui trouve son origine dans la capacité de l'intelligence humaine à voir le lien entre deux vérités et à en tirer une nouvelle vérité. Ainsi, bien que la certitude de la science théologique participe à la certitude surnaturelle de la foi, il s'agit toujours de certitudes distinctes. La certitude de la science théologique dépend du processus discursif du théologien et se fonde donc sur la raison humaine et pas seulement sur la lumière de la foi. La certitude des conclusions théologiques est donc dérivée de la lumière de la raison humaine.

La théologie sacrée comme sagesse

La théologie sacrée est véritablement scientifique dans la mesure où l'intelligence humaine peut réellement poursuivre une compréhension approfondie de la vérité divinement révélée. Mais il y a plus : la théologie sacrée est validée par le fait que les saints au ciel voient réellement Dieu tel qu'il est en lui-même et participent à la science divine de Dieu. La contingence humaine n'est pas un obstacle absolu à la contemplation divine. Bien que les saints au ciel soient dans un état glorifié, ils restent véritablement humains, avec toutes les limitations et restrictions essentielles de la nature humaine. Ainsi, les saints sont la preuve vivante que les personnes humaines peuvent participer à la connaissance de Dieu. La théologie sacrée en tant que science est la réponse humaine de ceux qui, ici sur terre, contemplent les mystères divins « dans l'attente de la vision bienheureuse de Dieu – consommation de la foi » (CEC n° 1274). Les saints du ciel sont donc des démonstrations vivantes que la théologie sacrée n'est pas un effort futile.

Cependant, si l'on ne veut pas conclure que la théologie sacrée est exclusivement caractérisée par les limites de la créature humaine, il est important de se rappeler que les saints témoignent également d'une autre dimension de la théologie sacrée : la sagesse (en latin, sapientia). Tout comme la science met l'accent sur le fait que la rationalité créée peut sonder les profondeurs de la vérité divine par déduction, la dimension de sagesse met l'accent sur le fait que Dieu a invité les créatures rationnelles à partager le plus haut des mystères divins.

La révélation divine reflète la sagesse de Dieu. « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (CEC n° 51). Les saints montrent que, grâce à la générosité de Dieu, les hauteurs de la divinité ne sont pas inaccessibles aux personnes humaines. « À cause de sa transcendance, Dieu ne peut être vu tel qu’Il est que lorsqu’il ouvre lui-même son mystère à la contemplation immédiate de l’homme et qu’Il lui en donne la capacité. Cette contemplation de Dieu dans sa gloire céleste est appelée par l’Église “la vision béatifique” » (CEC n° 1028).

Les saints du ciel contemplent Dieu et toutes les choses en relation avec Dieu. Ils voient l'être de Dieu et, par conséquent, sa priorité absolue sur tous les êtres. Ainsi, l'activité céleste des saints signale aux croyants chrétiens que la sublimité de Dieu est le point de départ ultime de toute contemplation. Certes, les saints dans la gloire connaissent les hauteurs de la divinité avec une intimité qui dépasse de loin les chrétiens les plus croyants. Néanmoins, la contemplation intime et immédiate des saints manifeste la manière dont tous les amis de Dieu devraient vivre et contempler : en référence aux choses les plus élevées et, en fin de compte, à Dieu, l'être absolument le plus élevé.

La théologie sacrée est façonnée par les hauteurs de la sagesse. Parce que la science théologique reçoit ses premiers principes de Dieu, elle est radicalement attachée à la sublimité et à la priorité de ses premiers principes. Par conséquent, la théologie sacrée ne s’intéresse pas seulement aux conclusions tirées des premiers principes de la foi. Au contraire, la théologie sacrée est suprêmement structurée autour de la sublime priorité de ses premiers principes, précisément en tant que principes. Parce que le travail de la théologie sacrée implique toujours une appréciation toujours plus profonde de ses principes premiers divinement révélés, la théologie sacrée est, radicalement, une sagesse.

La théologie sacrée cherche donc à pénétrer dans la formalité et le sens de ses premiers principes. Cette tâche implique d'ordonner des clarifications sur les articles de foi trouvés dans l'Écriture, la Tradition et l'enseignement du Magistère. L'ordre que la théologie sacrée recherche dans ce contexte découle de sa tâche d'atteindre une plus grande précision contemplative sur ce qui a été divinement révélé.

La tâche de la sagesse réside aussi dans la reconnaissance de l'analogie de la foi. « Par "analogie de la foi", nous entendons la cohérence des vérités de foi entre elles et dans le projet total de la Révélation » (CEC n° 114). L'incarnation du Verbe éternel et la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie sont toutes deux des mystères de la foi. Ce sont des articles de foi divinement révélés. En tant que science, la théologie sacrée peut identifier une myriade de vérités virtuellement contenues dans ces mystères sacrés. En tant que sagesse, cependant, la théologie sacrée identifie également la profonde résonance entre ces mystères sacrés. En effet, d'un point de vue sapientiel, la théologie sacrée reconnaît qu'une plus grande clarté sur un mystère de la foi éclaire un autre mystère. Par exemple, une meilleure compréhension de l'Incarnation entraîne une compréhension plus profonde du Saint-Sacrement (et vice versa).

En fin de compte, Dieu est le mystère le plus élevé de la foi. Ainsi, la plus haute expression de la sagesse consiste à contempler (« résoudre ») tous les principes en référence à Dieu. La centralité sapientielle de Dieu est la vérité consommée de toute la réalité. « La vérité de Dieu est sa sagesse qui commande tout l'ordre de la création et du gouvernement du monde. Dieu qui, seul, a créé le ciel et la terre, peut seul donner la connaissance véritable de toute chose créée dans sa relation à Lui » (CEC n° 216). Parce que le Dieu de la sagesse a révélé sa sagesse à ses créatures, ses créatures peuvent participer à sa sagesse en considérant également toutes les choses par rapport à Dieu.

« Puisque Dieu crée avec sagesse, la création est ordonnée » (CEC n° 299). En effet, sa création lui est ordonnée. Ainsi, les merveilles de Dieu et de l'univers qu'il a créé nous incitent à « lui rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence et la sagesse qu’il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon, ceux-ci peuvent dire : "c’est Lui qui m’a donné la science vraie de ce qui est, qui m’a fait connaître la structure du monde et les propriétés des éléments [...] car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse" » (CEC n° 283).

La théologie sacrée est issue de la sagesse de Dieu et, en tant que sagesse, la théologie sacrée ne perd jamais de vue les articles de la foi. C'est dans la sagesse que Dieu a créé. C'est dans la sagesse que Dieu révèle. Et à cause de la sagesse, la théologie sacrée ne cesse de contempler tout ce que Dieu a créé en référence à la révélation divine.

III. Spécificités de la théologie sacrée

La théologie sacrée étant définie comme « la foi cherchant à comprendre », le caractère de la foi et la structure de l'intelligence informent tous deux la contemplation théologique. Comme nous l'avons vu plus haut, la théologie sacrée est à cheval entre la simplicité de Dieu et l'unité de la révélation divine, d'une part, et la complexité de la connaissance humaine, d'autre part. Cette double simplicité-complexité permet d'expliquer pourquoi il existe différents types de théologie catholique. Différentes « écoles » de pensée chrétienne jalonnent l'histoire de la théologie. Il n'y a qu'une seule foi chrétienne, mais il peut y avoir différentes théologies chrétiennes.

Bien que ces différentes théologies présentent des divergences doctrinales notables et significatives, elles partagent une unité fondamentale. Toutes les expressions authentiques de la théologie chrétienne ont en commun la foi. Elles reçoivent toutes la révélation divine et y adhèrent. Aucun théologien ou école théologique catholique ne nie l'un ou l'autre des articles de foi. En effet, tous reconnaissent que la révélation divine est le point de départ nécessaire de leur réflexion théologique.

Par conséquent, les divergences qui distinguent les différentes écoles ou expressions de la théologie catholique ne sont pas de l'ordre de la foi. Ces différences sont plutôt de l'ordre de la raison et de la compréhension. Tous les théologiens catholiques cherchent sincèrement à comprendre la foi. Mais tous les théologiens catholiques ne comprennent pas la foi de la même manière. Il y a des interprétations et des conclusions différentes sur ce que Dieu a divinement révélé.

Qu'est-ce qui explique ces différences de compréhension ? En fin de compte, ce sont des convictions philosophiques différentes qui expliquent les divergences entre les théologiens catholiques et entre leurs écoles théologiques respectives. Ces convictions philosophiques sont des présupposés sur l'être et la réalité que les théologiens apportent inévitablement dans leur travail. La façon dont on conçoit l'être – l'un des grands sujets philosophiques – influencera nécessairement la façon dont on comprend la révélation divine. Pourquoi ? La révélation divine regorge de déclarations sur l'être divin et divinisé. En d'autres termes, la façon dont on conçoit l'être naturel affectera nécessairement la façon dont on comprend l'être divin. En outre, la façon dont on conçoit la nature humaine influencera la façon dont on comprend la nature humaine transformée par la grâce. « Il est impossible de mener à bien le projet de théologie systématique sans s'engager explicitement dans des options philosophiques particulières[3] ».

La théologie étant une foi en quête de compréhension, le contenu de la compréhension philosophique façonnera la compréhension théologique de la foi. Comme l'observe Joseph Ratzinger, « la spéculation théologique est liée à la recherche philosophique en tant que méthodologie de base ». En effet, « si la théologie a Dieu pour objet central, si son thème propre et ultime est non pas l'histoire du salut ni l'Église ou la communauté des fidèles, mais précisément Dieu, alors il lui faut nécessairement penser philosophiquement[4] ». Ratzinger poursuit :

Inversement, il reste hors de discussion que la philosophie précède la théologie et que, même depuis la révélation, elle n’accède jamais au niveau de la théologie, mais reste un chemin autonome de l’esprit humain, de telle manière cependant que la pensée philosophique peut pénétrer la pensée théologique sans cesser par là d’être philosophique[5].

Les présupposés philosophiques sont directement pertinents pour les conclusions théologiques sur la révélation divine, même si les présupposés philosophiques restent proprement philosophiques et présupposés. La théologie et la philosophie sont deux disciplines distinctes. La théologie est spécifiée par des principes premiers surnaturels, et la philosophie est spécifiée par des principes premiers naturels.

Bien entendu, «l'Église ne propose pas sa propre philosophie ni ne canonise une quelconque philosophie particulière au détriment des autres » (Jean-Paul II, Fides et ratio, n° 49). L'Église ne prescrit ni ne proscrit aucune philosophie spécifique en tant que philosophie. La philosophie naît de l'inclination naturelle de l'homme à connaître la vérité sur la réalité à la lumière de la raison naturelle. L'Église s'est vu confier le dépôt de la foi. Elle n'exerce pas de contrôle sur le raisonnement naturel des philosophes, précisément en tant que philosophes. Néanmoins, l'Église reconnaît que « l'étude de la philosophie revêt un caractère fondamental et qu'on ne peut l'éliminer de la structure des études théologiques » (Jean-Paul II, Fides et ratio, n° 62). Ainsi, Jean-Paul II explique :

Il revient au Magistère d'indiquer avant tout quels présupposés et quelles conclusions philosophiques seraient incompatibles avec la vérité révélée, formulant par là-même les exigences qui s'imposent à la philosophie du point de vue de la foi. En outre, dans le développement du savoir philosophique, diverses écoles de pensée sont apparues. Ce pluralisme met aussi le Magistère devant sa responsabilité d'exprimer son jugement en ce qui concerne la compatibilité ou l'incompatibilité des conceptions fondamentales auxquelles ces écoles se réfèrent avec les exigences propres de la parole de Dieu et de la réflexion théologique. (Jean-Paul II, Fides et ratio, n° 50)

Bien que le contrôle direct de la spéculation philosophique n'incombe pas à l'Église, elle sait reconnaître quand des principes philosophiques spécifiques et des conclusions particulières sont contraires à la révélation divine. Le rôle de l'Église en tant que gardienne de la révélation divine lui permet de porter des jugements sur la philosophie.

Par exemple, l'Église ne réglemente pas la question de savoir si les théologiens doivent maintenir la distinction réelle entre des principes philosophiques tels que l'essence et l'existence ou la puissance et l'acte. Les théologiens peuvent adhérer à différentes conceptions de l'être. Mais l'Église reconnaît que tout système philosophique qui nie formellement l'existence de l'être ou de la vérité est fondamentalement inconciliable avec la foi chrétienne. Par conséquent, elle peut légitimement s'opposer aux principes philosophiques du point de vue de la révélation divine – la lumière de la foi. Certaines positions philosophiques ne sont pas conciliables avec les vérités de la foi. Ainsi, « pour les besoins de la réflexion théologique, tous les systèmes philosophiques ne sont pas également valables[6] ».

En résumé, l'Église ne résout pas directement les questions proprement philosophiques et ne prend pas de décisions sur des questions formellement philosophiques. Cependant, elle peut aborder les questions philosophiques de manière indirecte, dans la mesure où les questions philosophiques sont pertinentes pour les questions de foi. En raison de sa compétence en matière de foi, l'Église s'intéresse au domaine de la raison. Par exemple, la nature de l'âme rationnelle relève du domaine de la recherche philosophique. Par conséquent, l'Église n'impose pas aux chrétiens de souscrire à une conception philosophique spécifique de l'âme (par exemple, une conception aristotélicienne ou platonicienne de l'âme). Néanmoins, si une philosophie soutenait que l'âme n'est pas immortelle, une telle position philosophique serait clairement fausse car inconciliable avec la foi.

L'Église ne discrimine donc pas les différentes philosophies précisément en tant que philosophies. Elle se préoccupe seulement de la compatibilité des différentes écoles philosophiques « avec les exigences propres de la parole de Dieu et de la réflexion théologique » (Jean-Paul II, Fides et ratio, n° 50). Ce type très spécifique de préoccupation ecclésiale ne signifie cependant pas que toutes les philosophies sont également correctes ou qu'il n'existe pas de vérité philosophique. Des affirmations philosophiques qui se contredisent mutuellement ne peuvent pas être vraies toutes les deux (par exemple, la forme et la matière sont soit vraiment distinctes, soit elles ne sont pas vraiment distinctes). Il est possible de connaître certaines vérités à la lumière de la raison naturelle. Et c'est précisément parce que toute vérité est en fin de compte la vérité de Dieu que l'Église a constamment encouragé les philosophes dans leur recherche permanente de la vérité naturellement connaissable.

De nombreux théologiens catholiques influents ont eu des convictions philosophiques différentes (par exemple, Augustin, Maxime, Bonaventure, Scot, Molina, Suarez). L'Église a toujours reconnu Thomas d'Aquin comme le géniteur d'une tradition intellectuelle particulièrement efficace (voir Léon XIII, Aeterni Patris). En effet, même au vingtième siècle, les théologiens ont observé que Vatican II « recommande que la théologie soit fondée sur l'héritage philosophique toujours valide qui nous vient de Thomas d'Aquin » . Évidemment, « cela ne signifie pas une adhésion rigide ou servile à la scolastique, mais cela implique une confiance sereine dans le fait que les principes de base utilisés pour le raisonnement théologique au cours des siècles n'ont pas perdu leur validité[7] ».

Bien sûr, le thomisme n'est pas la seule tradition intellectuelle valable. Encore une fois, les traditions intellectuelles issues d'Augustin, de Scot et de Molina – pour n'en nommer que quelques-unes – ont été formidables et significatives dans l'histoire de l'Église. Néanmoins, « l'Église a eu raison de proposer constamment saint Thomas comme un maître de pensée et un modèle de la bonne manière de faire de la théologie » (Jean-Paul II, Fides et ratio, n° 43).

IV. Le pape François sur la théologie et le désir de foi

Dans son encyclique Lumen fidei de 2013, le pape François a donné un aperçu de la relation entre la foi et la théologie : « Puisque la foi est une lumière, elle nous invite à nous incorporer en elle, à explorer toujours davantage l’horizon qu’elle éclaire, pour mieux connaître ce que nous aimons » (François, Lumen fidei, n° 36). Le désir d'amour est au centre de la présentation de la théologie sacrée par le Saint-Père. Il rappelle au monde que c'est « de ce désir » que « [naît] la théologie chrétienne ». Ainsi, la théologie de l'Église chrétienne est une discipline qui naît du profond désir humain de connaître Dieu, l'objet de notre amour.

Dieu, la personne humaine et l'orientation de la personne humaine vers Dieu dans la foi servent donc de fondement à la théologie. La théologie est le désir proprement humain de connaître toujours plus pleinement le Dieu que nous aimons, qui nous a aimés le premier et qui nous a révélé son amour.

Bien entendu, la manifestation suprême de l'amour de Dieu pour l'humanité est Jésus-Christ, le Verbe incarné. Notre Seigneur incarné explique lui-même l'existence de la théologie ainsi que la tâche sublime de la théologie. « Il est [...] clair que la théologie est impossible sans la foi et qu’elle appartient au mouvement même de la foi, qui cherche l’intelligence la plus profonde de l’autorévélation de Dieu, qui atteint son sommet dans le Mystère du Christ » (François, Lumen fidei, n° 36). Par l'incarnation du Verbe éternel, Dieu nous a montré qu'il est « le Sujet qui se fait connaître et se manifeste dans la relation de personne à personne ». Par conséquent, « La foi droite conduit la raison à s’ouvrir à la lumière qui vient de Dieu, afin que, guidée par l’amour de la vérité, elle puisse connaître Dieu plus profondément » (François, Lumen fidei, n° 36).

La théologie sacrée est donc « une science de la foi » – « une participation à la connaissance que Dieu a de lui-même ». Le caractère scientifique de la théologie sacrée est loin d'être insipide ou impersonnel. La théologie « n’est pas seulement une parole sur Dieu, mais elle est avant tout l’accueil et la recherche d’une intelligence plus profonde de la parole que Dieu nous adresse. Cette parole que Dieu prononce sur lui-même, parce qu’il est un dialogue éternel de communion, et qu’il admet l’homme à l’intérieur de ce dialogue » (François, Lumen fidei, n° 36).

À travers l'image frappante du « toucher », le pape François souligne le caractère essentiellement humble de la théologie sacrée. La théologie sacrée est une science qui provient d'une source située au-delà du plan de la découverte humaine naturelle. De plus, c'est une science orientée vers rien de moins que le Dieu qui se trouve au-delà de la compréhension humaine. « L’humilité qui se laisse "toucher" par Dieu, fait partie alors de la théologie, reconnaît ses limites devant le Mystère et est motivée à explorer, avec la discipline propre à la raison, les richesses insondables de ce Mystère » (François, Lumen fidei, n° 36).

Par conséquent, la théologie est une science ecclésiale. Dieu s'est révélé par l'incarnation du Verbe éternel et Jésus-Christ a confié son saint enseignement à l'Église catholique. Par conséquent, « la théologie partage en outre la forme ecclésiale de la foi » (François, Lumen fidei, n° 36). Une théologie sacrée sans Église est inconcevable. L'Église catholique est le sol toujours fertile dans lequel la théologie sacrée continue de croître et de prospérer. Et tous ceux qui résident dans l'Église – les « croyants ordinaires » ainsi que le « magistère du pape et des évêques » – participent à l'objectif et à l'œuvre de la théologie sacrée.

V. Conclusion

Toute introduction à la théologie catholique est insuffisante. La foi chrétienne est si vaste et si profonde qu'elle échappe à un simple résumé. Et pourtant, c'est précisément la raison pour laquelle la théologie catholique est si nécessaire. La vérité et la bonté de Dieu suscitent un désir au sein de la personne humaine – un désir de connaissance intime et d'union intime. En fin de compte, personne ne se satisfait d'une simple « introduction » à qui est Dieu et à ce qu'il a fait. Parce que la nature humaine est encline à la vérité et à la bonté, chacun veut en savoir plus sur Dieu, qui est la Vérité et la Bonté elles-mêmes.

 

Fr. Cajetan Cuddy, o.p.

 

La version intégrale de cet article peut être retrouvée sur le site de l'Encyclopedia of Catholic Theology.

 


[1] Romanus Cessario, Christian Faith and the Theological Life, The Catholic University of America Press, 1996, p. 75.

[2] William A. Wallace, The Role of Demonstration in Moral Theology, The Thomist Press, 1962, p. 38.

[3] Avery Dulles, Craft of Theology, From Symbol to System, Crossroad, 1994, p. 119.

[4] Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, p. 355.

[5]Ibid.

[6] Avery Dulles, Craft of Theology, p. 132.

[7] Avery Dulles, Craft of Theology, p. 127.