Définition : anges
1. Le traité des anges est capital pour la métaphysique de la connaissance. En théologie, saint Thomas en traite avec acribie à plusieurs endroits. Cet esprit angélique, forme pure subsistante par soi, est toujours singulier et forme en sa singularité une espèce. Totalement incorporel, il est soustrait à la mutabilité et à la corruption auxquelles sont soumis les êtres matériels. Aussi, la durée indéfectible de son être est mesurée non point certes par l’éternité qui est réservée à l’acte pur divin, mais par une mesure qui est néanmoins supérieure au temps, puisque le temps suppose toujours une succession. Cette mesure de la durée de l’être angélique s’appelle l’éviternité (aevum). Il reste que, dans leurs opérations de pensée ou de vouloir, les anges sont soumis à une succession que seul le temps, qui est le nombre de l’avant et de l’après, peut mesurer. Ce temps angélique n’est pas le temps continu qui caractérise l’univers matériel, mais un temps discontinu, fait d’une succession d’actes dont chacun est immobile.
2. Outre la vision de gloire dont bénéficient les purs esprits qui ne se sont pas détournés de Dieu, l’ange est doté d’un mode naturel de connaître. Ainsi, il a de sa propre essence, présente à son intelligence comme principe formel de connaître, une connaissance intuitive et compréhensive. Et par son essence, pour autant qu’elle est une similitude de Dieu, il a de son créateur une intelligence naturelle, comme dans un miroir. En ce qui concerne les autres êtres, spirituels ou matériels, il les connaît par leurs similitudes ou espèces intelligibles (species), mais sans avoir à passer par l’abstraction. Celle-ci, en effet, supposerait l’exercice d’une sensibilité absente par nature du pur esprit. Les idées des anges sont par conséquent innées au titre de propriétés nécessaires de leur nature. L’universalité de ces idées participe des idées divines. Aussi, contrairement à l’universalité d’indétermination qui caractérise l’abstraction, l’universalité de l’idée angélique ouvre-t-elle sur une appréhension déterminée des genres et des différences spécifiques, des espèces et des différences individuelles. Intuitive, singulière et compréhensive, la connaissance angélique ne suppose donc ni la composition propre au jugement, ni aucune sorte de raisonnement. La seule succession à laquelle elle soit soumise est la succession des actes, en eux-mêmes immobiles, de saisie intuitive. De plus, l’ange est doué, en tant que pur esprit intelligent, de volonté par laquelle il aime naturellement soi, les autres anges, et Dieu d’un amour naturel super omnia au plan de la voluntas ut natura. Il tend à Dieu radicalement d’un appétit comme esprit pur ; en ce sens, il désire d’un désir naturel voir Dieu, cause et principe de son être et de son agir. Au plan de l’amour libre, de la voluntas ut ratio, il aime librement les autres anges et Dieu. À cet égard, et seulement pour les bons anges, cet acte d’amour libre et préférentiel pour Dieu est un acte libre de sa volonté (ut ratio), un acte élicite de grâce et de libre option dans la foi, avant de l’aimer maintenant d’un amour surnaturel inamissible et impeccable dans la gloire de la vision.
3. Il y a autant d’espèces angéliques qu’il y a d’anges. Certains nous sont connus par leur fonction (angelus, du grec angelos, signifie envoyé) : ange gardien, archange… ; d’autres nous sont totalement inconnus. Ils sont parfois désignés par leur degré dans une hiérarchie à plusieurs chœurs : puissances, principautés, etc. L’ange est, en tant que déchu (le diable et ses démons), à l’origine de l’entrée du péché dans le monde. Les bons anges sont tournés vers Dieu et servent ses desseins. L’existence personnelle des anges et leur mission appartiennent à la foi. Elles ne font aucun doute pour saint Thomas qui s’avère plutôt sobre dans son traité par rapport à d’autres spéculations sur la nature et les fonctions des anges.
Cf. ST, Ia, q. 50-54 ; q. 106-108 ; q. 110-113.
Voir Philippe-Marie Margelidon, Yves Floucat, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes, p. 50-51.