Saint Thomas et l’histoire : État de la question et pistes de recherches

Jean-Pierre Torrell o.p.
5,00 € l'unité
2005 - Fascicule n°3 2005 - Tome CV
355 - 410
Article
saint Thomas d'Aquin, Histoire

Sous titre

État de la question et pistes de recherches

Résumé

À l’opposé des jugements péremptoires de jadis, selon lesquels saint Thomas d’Aquin serait un penseur intemporel qui n’aurait eu à l’égard de l’histoire qu’une indifférence prodigieuse, cette étude montre, textes à l’appui, qu’il possédait au contraire un ensemble de qualités scientifiques et d’attitudes spontanées qui doivent se trouver chez tout bon historien. Plus profondément, il avait un sens aigu de l’historicité intrinsèque de la réalité humaine, et cette approche anthropologique colore de part en part sa pratique des sources et son herméneutique des documents anciens.

Extrait

Le titre très général donné à cette étude évoque une matière beaucoup trop vaste pour un simple article. Le sous-titre vise donc à préciser le sujet et à souligner d’emblée les limites de ce travail. Ce n’est guère plus qu’un premier défrichage qui laisse ouvertes beaucoup de pistes qu’il faudra encore prolonger. Ceci étant, notre propos sera réparti selon deux grands volets d’importance presque égale. Le premier commencera par un bref status quaestionis destiné à rappeler les principales études qui ont tenté de répondre à la question de savoir si le Maître d’Aquin avait une conception générale — philosophique ou théologique — de l’histoire et de son sens. Cette première approche n’a rien de très personnel, mais elle me semble éclairante. Suivant la recommandation bien connue d’Aristote, qui s’applique de manière privilégiée à l’histoire des idées, « à considérer les choses dans leur genèse, on en obtient une parfaite intelligence ». On pourra mieux apprécier alors les résultats de l’enquête qui suivra ce status quaestionis et qui montre qu’effectivement saint Thomas avait un sens très aigu de l’historicité de la réalité humaine. Le propos de la deuxième partie est à la fois plus terre à terre et plus ambitieux : plus prosaïque, car plus que des idées générales je voudrais rappeler ou faire connaître quelques faits ; plus ambitieux, car je me propose de montrer que Thomas d’Aquin avait au moins en germe — ou à l’état rudimentaire si l’on veut — un ensemble de qualités scientifiques ou d’attitudes spontanées qu’on devrait retrouver chez tout bon historien. Ces qualités, il les a mises en oeuvre avec constance et perspicacité chaque fois que cela s’est révélé nécessaire — dans la mesure évidemment limitée où le lui permettait sa documentation.