Peut-on encore penser le péché ?

Michel Mahé
5,00 € l'unité
2012 - Fascicule n°4 2012 - Tome CXII
693 - 726
Article
peche

Résumé

Dans son intention d’émanciper l’homme de l’emprise de la tradition chrétienne, la philosophie moderne entreprend de donner une explication rationnelle du péché. Si Nietzsche en nie radicalement le fait, n’y reconnaissant qu’une illusion aliénante, d’autres auteurs, Leibniz ou Kant, l’intègrent dans l’ordre naturel des choses. Mais ils finissent par le faire disparaître plus sûrement encore. Bien que le péché demeure irréductible à toute explication rationnelle, il reste possible de penser une libre infraction humaine à l’ordre naturel créé par Dieu, soit une faute contre le Bien universel.

Extrait

Le péché est un terme traditionnellement associé au discours religieux, qui désigne une transgression consciente et volontaire contre la loi et l’ordre divins. Sous l’Antiquité, le domaine concerné, large, englobait les dieux eux-mêmes ; la cité, le souverain — grand roi, pharaon, empereur — souvent divinisés. Une telle faute conduisait parfois au plus lourd châtiment — la mort —, comme l’illustre le sort de Socrate. Dans notre culture, sous l’influence marquante du christianisme, le péché désigna les fautes commises contre Dieu, sa volonté, son enseignement. Bien qu’il possède des degrés différents, le péché éloigne de Dieu, et parfois de façon si radicale qu’il peut conduire à la damnation éternelle. La crainte d’une telle fin a conduit les hommes, élevés dans la tradition chrétienne, à suivre les injonctions de l’Église et de ses ministres qui dénoncent les péchés et proposent diverses formes d’expiation.