Au début du xive siècle, les modistes sont un courant puissant à la faculté des arts. Leur chef de file, Raoul Lebreton († 1320), a élaboré une théorie très complète de l’intentionnalité intellectuelle. Hervé de Nédellec († 1323) leur répond dans l’article 2 de la question 1 du De intentionibus. Il relève les lacunes de la doctrine modiste, en psychologie notamment. Il propose alors sa propre théorie qui conjugue à la fois une fidélité à la psychologie aristotélicienne telle que la défend l’ordre des Frères Prêcheurs depuis les condamnations de 1277 par l’évêque de Paris, et une intégration des nouvelles recherches sur l’intentionnalité intellectuelle initiées depuis Pierre d’Auvergne († 1304).
Hervé de Nédellec est déjà connu des lecteurs de la Revue thomiste dont des articles ont étudié certaines positions théologiques et philosophiques de cet auteur. Celui que l’on appelle le Docteur rare (doctor rarus ou perspicacissimus) est un témoin privilégié de l’extraordinaire fécondité intellectuelle de l’Université de Paris au début du XIVe siècle.La carrière d’Hervé de Nédellec prend un tour résolument universitaire en 1302 lorsqu’il est nommé au couvent Saint-Jacques à Parispour se préparer à recevoir la licence en théologie et le droit d’enseigner pendant deux ans à la chaire des Français attachée à l’ordre des Frères Prêcheurs pour les dominicains de la province de France à l’Université de Paris. C’est ainsi qu’il devient en 1307 maître en théologie. Les premiers écrits d’Hervé de Nédellec témoignent à quel point il compte rester fidèle à la ligne intellectuelle de son ordre religieux suite aux condamnations de l’évêque de Paris, Étienne Tempier, en 1270 et surtout en 1277. Dès 1302, il attaque l’ancien maître Henri de Gand dans son De quatuor materiis contra Henricum Gandavensem. Le motif principal qui pousse Hervé de Nédellec à composer ce traité est qu’Henri de Gand a participé en 1277 à la commission de théologiens réunis par É. Tempier et, par la suite, l’autorité d’Henri s’est accrue pour assurer la prépondérance de ces censures qui visent directement des thèses aristotéliciennes et indirectement Thomas d’Aquin.