Avec D’ailleurs, la révélation, Jean-Luc Marion entend contribuer à « théo-logiser » la théologie de la Révélation, c’est-à-dire à la sortir de l’impasse propositionnelle et épistémologique, celle de la logique du concept, dans laquelle l’aurait enfermée la métaphysique classique, pour la rendre à sa logique native, celle de la manifestation de l’amour qui se phénoménalise. À l’origine de cette dérive, Marion suspecte le rôle de Thomas d’Aquin et de sa conception de la sacra doctrina. Une lecture attentive et critique de son analyse du premier article de la Somme de théologie laisse apparaître plusieurs lacunes exégétiques dans la manière de comprendre le Docteur commun, en particulier l’assimilation de la sacra doctrina à la Révélation, la confusion entre subordination et subalternation des sciences, l’oubli du rôle de la foi théologale dans la réception de la sacra doctrina, l’occultation de la manière dont la sacra doctrina suscite une authentique participation du croyant à la science même de Dieu et des bienheureux.
Dans un ouvrage imposant, présenté comme sommet d’une longue et patiente ascension phénoménologique vers les hauteurs théologiques, Jean-Luc Marion se propose d’aider la théologie de la Révélation à se théo-logiser, c’est-à-dire à se retrouver après plusieurs siècles supposés d’aliénation hors d’elle-même. En effet, selon les résultats d’une analyse historique et critique qui en occupe deux des chapitres liminaires, la théologie moderne, suivant une voie ouverte par Thomas d’Aquin, serait tombée dans les ornières d’une interprétation purement épistémologique et propositionnelle de la Révélation. Elle aurait enfermé celle-ci dans « l’horizon métaphysique de l’être », au détriment de sa nature authentiquement théo-logique. C’est l’origine d’ailleurs de la Révélation qui aurait été occultée, au profit d’un rétrécissement conceptualiste et mondain.
