La notion de bien commun, centrale en matière politique, a connu un développement décisif dans les oeuvres de Thomas d’Aquin. Celui-ci élabore sa conception en saisissant les apports du stoïcisme romain et de la tradition augustinienne dans la doctrine aristotélicienne du bien politique. Après Thomas d’Aquin la notion s’appauvrit à l’époque moderne et finit par s’évanouir. Remise en lumière par le magistère pontifical à partir de Léon XIII, la notion est reprise par différents auteurs au xxe siècle et consacrée par le concile Vatican II, quoique sous une forme très diminuée au regard de l’ampleur qu’elle avait chez saint Thomas.
Les doctrines théologiques sont à l’image des oeuvres humaines : elles ont leurs modes, leurs engouements et leurs oublis. Telle notion qui semblait centrale dans un domaine à un moment donné s’amoindrit, s’évanouit et finit parfois par disparaître, pour renaître des siècles plus tard, à la faveur de circonstances nouvelles, qui témoignent du manque suscité par cette absence. Ainsi en va-t-il, en théologie politique, de la notion de bien commun. Née à Rome, mais nourrie des élaborations antérieures des Grecs, acquise par la tradition patristique latine, elle connaît un déploiement unique chez Thomas d’Aquin, qui la lègue à la tradition qui le suit. Toujours évoquée, elle apparaît cependant ppauvrie, déformée, à l’orée de l’époque moderne, pour céder la place, fugitivement, à l’intérêt général ou à l’utilité commune. On peut probablement affirmer que le bien commun disparaît du champ de la théologie aux XVIIIe et XIXe siècles, pour ne reparaître qu’à la fin de ce dernier, sous le pontificat de Léon XIII.