De Barth à Pannenberg

Bruno Gautier
5,00 € l'unité
2019 - Tome CXIX 2019 - Fascicule n°1
1800
55 - 65
Article
Wolfhart Pannenberg, karl barth, revelation

Résumé

Karl Barth et Wolfhart Pannenberg placent tous deux la notion de révélation au point de départ de leur théologie. Pour Barth, la révélation est parole souveraine de Dieu, tombant du ciel et suscitant la foi de l’homme autant qu’elle la sollicite ; pour Pannenberg, la révélation s’adresse à l’intelligence humaine, qui en comprend la crédibilité, en particulier par la connaissance historique, avant de franchir le pas de la foi. Ces deux interprétations divergent au point que Pannenberg considère la vision de Barth comme « autoritaire », et que Barth diagnostique dans la pensée de Pannenberg une reprise des errements de la théologie libérale.

Extrait

Karl Barth et Wolfhart Pannenberg sont des hommes du XXe siècle. Barth est né en 1886, Pannenberg en 1928, et ils se rencontrent pour la première fois à Bâle en 1950. Cependant le chemin qui mène de la pensée de Karl Barth à celle de Wolfhart Pannenberg commence bien avant eux. Il n’est pas possible de le parcourir de manière compréhensible sans d’abord remonter plus haut, pour l’emprunter au niveau du siècle des Lumières. C’est ce que je vais essayer d’exposer maintenant.
Commençons par Karl Barth. Comme étudiant en théologie, il a tout d’abord été formé à ce que l’on appelait la « théologie libérale ». Ce courant multiforme avait pour principe fondamental de répondre au mot d’ordre des Lumières, ainsi formulé par Kant : Sapere aude ! — on pourrait traduire : « Aie le courage de penser par toi-même ! » Il s’agissait pour la théologie de se libérer des « vérités toutes faites » imposées par le dogme ou la doctrine traditionnelle, et de se reformuler à partir de l’homme et du critère de la raison. Friedrich Schleiermacher (1768-1834) avait donné le coup d’envoi à cette nouvelle forme de théologie. Il se voulait à la fois pleinement chrétien et pleinement moderne. Barth se le représente, dans l’affrontement entre la foi et la « conscience culturelle   » de son époque, comme un homme à mi-chemin entre les deux armées, un parlementaire muni d’un drapeau blanc. Aux incroyants, Schleiermacher annonce une religion dans laquelle la doctrine n’a qu’une importance secondaire, l’essentiel étant le « sentiment de dépendance absolue », c’est-à-dire l’expérience que l’homme fait du divin dans sa vie, et dont les chrétiens proclament qu’elle s’accomplit en Jésus-Christ. Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans la pensée de Schleiermacher. Il nous suffit de savoir qu’il fut le père de la théologie libérale.