« Toute vérité, quel que soit celui qui la dit, vient de l’Esprit-Saint » : Autour d'une citation de l'Ambrosiaster dans le corpus thomasien

Serge-Thomas Bonino o.p.
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2006 - Fascicule n° 1 et 2 - Saint Thomas et la théologie des religions 2006 - Tome CVI
101 - 148
Article
Esprit Saint, verite

Sous titre

Autour d'une citation de l'Ambrosiaster dans le corpus thomasien

Résumé

« Toute vérité, quel que soit celui qui la dit, vient de l’Esprit-Saint. » Cette formule de l’Ambrosiaster, dont la fortune fut considérable, apparaît seize fois dans le corpus thomasien. Elle exprime et illustre chez saint Thomas une triple conviction. Primo, toute vérité, ontologique et logique, vient de Dieu, Vérité première subsistante. Secundo, Dieu se manifeste de quelque manière à travers toute connaissance de la vérité, quelles que soient la valeur morale et l’intention subjective de celui qui l’énonce. Tertio, des vérités religieuses, même d’ordre surnaturel, fruits d’une authentique révélation prophétique orientée vers le Christ, sont disséminées dans les diverses traditions religieuses où elles fournissent un support à la foi implicite des non-chrétiens.

Extrait

Toute vérité, quel que soit celui qui la dit, vient de l’Esprit-Saint (Omne verum a quocumque dicatur a Spiritu sancto est). - Cette proposition, que saint Thomas d’Aquin et ses contemporains attribuent à tort à saint Ambroise de Milan, n’intervient pas moins de seize fois dans l’ensemble de l’oeuvre du Docteur commun. Elle apparaît à juste titre comme une heureuse expression de la spiritualité de saint Thomas, et c’est bien en ce sens que les textes du Magistère récent s’y réfèrent. Spiritualité généreuse qui fait fond sur l’ouverture native de l’intelligence à toute l’amplitude de l’être et donc de la veritas rerum, objective et universelle. Quelle que soit la tradition humaine qui la véhicule jusqu’à nous et nous en ouvre concrètement l’accès, cette vérité vient, en dernière analyse, de Dieu lui-même, et elle a donc vocation à nous reconduire à Dieu. Il revient alors au théologien de recueillir avec soin toutes les parcelles de vérité contenues dans les diverses traditions de sagesse, même étrangères au christianisme, pour les intégrer dans une synthèse supérieure qui soit comme un reflet de la science même de Dieu, quaedam impressio divinae scientiae, quae est una et simplex omnium, et une lointaine anticipation de la vision béatifique. Dans le débat contemporain sur la théologie des religions, arguant de l’« esprit » de saint Thomas, certains théologiens favorables à l’idée d’une « révélation différenciée » n’hésitent donc pas à faire référence à l’usage thomasien de la citation de l’Ambrosiaster pour reconnaître, analogiquement, aux écrits des traditions religieuses non chrétiennes une certaine inspiration et même une valeur de Parole de Dieu.