Gilson s’est trouvé placé au coeur de l’antithomisme. L’antithomisme est l’envers du thomisme authentique qu’il a progressivement professé, ou bien l’opposition à la philosophie chrétienne. Il est aussi celui de Gilson lui-même à l’égard des thomismes tardifs qu’il a combattus. L’antithomisme est donc celui dont il a souffert ou celui qu’il a revendiqué. L’antithomisme est enfin celui qui est né après Gilson, parfois contre lui, celui de notre époque, dont nous avons encore peu de traces écrites.
La figure intellectuelle d’Étienne Gilson (1884-1978) intéresse l’antithomisme à deux titres. Le premier est que Gilson est l’un des derniers grands thomistes du xxe siècle, donc proche de nous par ses écrits, projetant ainsi une lumière sur la période qui est la nôtre. Le second est que Gilson, à qui l’Université française doit de tolérer la présence de saint Thomas parmi les philosophes classiques, ne s’est pas luimême déclaré thomiste si facilement : certes il l’a fait avec conviction, mais non sans certaines précautions, « sans inféodation », comme dira de lui le P. de Lubac. C’est assez dire que thomisme et antithomisme vont se trouver mêlés, et cela de diverses façons.