Saint Thomas ou l’art et la manière d’être juriste

Alain Sériaux
8,00 € l'unité
2025 - Tome CXXV 2025 - Fascicule n°1
125
CXXV
Mars 2025
1
2025
13 - 20
Article
Thomisme, droit, juridique

Résumé

À l’orée d’un colloque consacré à l’influence, sur les juristes, de la pensée de saint Thomas d’Aquin, il a paru bon de montrer quelle idée le Docteur angélique se fait de la science du droit. Il en a lui-même donné un aperçu en ayant recours à deux métaphores : la médecine, où le juriste agit comme un médecin établissant un ordre naturel, et l’artisanat, où le droit s’élabore avec des lois servant de cadre, mais nécessitant adaptation et réflexion. C’est l’occasion de souligner combien les réponses apportées par saint Thomas aux questions qui intéressent les juristes s’avèrent pertinentes pour ces derniers, qui sont à
même d’y trouver une source profonde d’inspiration.

Extrait

Avouons-le : cette brève étude a quelque chose de paradoxal. Saint Thomas d’Aquin n’était pas juriste mais théologien. Si ses activités d’enseignant au sein des universités européennes du XIIIe siècle l’ont forcément amené à côtoyer des juristes, le fait est qu’il fut parfois sévère envers ces collègues, qu’il jugeait ignorants 1 et peu dignes d’intérêt pour un théologien. Il ne faut sans doute pas voir là une forme de mépris, mais plutôt la conviction profonde, chez Thomas, que la théologie est « la sagesse par excellence », celle qui juge légitimement de tout parce qu’elle est naturellement placée au sommet de toutes les sciences. Au demeurant, le Docteur angélique n’a jamais hésité à s’appuyer sur l’autorité de juristes pour asseoir une opinion qui lui paraissait hors de doute. Les substantiels passages de la Somme de théologie consacrés aux lois, au droit et à la justice regorgent en ce sens de citations de Celse, de Cicéron, d’Ulpien ou de Gratien. Voilà qui atteste de l’estime et même de la révérence à l’endroit de juristes qui, il est vrai, comptent parmi les plus philosophes de leur corporation.