Pannenberg a mis au point, entre son Esquisse d’une christologie de 1964 et sa Théologie systématique de 1991, une théologie du salut et de la rédemption qui est peu fréquentée, à tort, car elle se révèle d’une grande richesse, malgré quelques indéniables limites. Quoique trop dépendant d’un certain état de l’exégèse historico-critique, il élabore une sotériologie, de facture traditionnelle et protestante, solidement repensée où certains concepts clés, investis avec profondeur, intéressent de près le théologien catholique : représentation, substitution, expiation, libération, réconciliation, œuvre trinitaire de Dieu. Nous tâchons d’en élucider le sens et la portée chez Pannenberg. Nous y avons ajouté une note concernant la christologie (d’en bas) de Jésus que sa théologie du salut suppose.
Il y a presque trente ans de distance entre l’Esquisse d’une christologie (Grundzüge der Christologie) de 1964 et le deuxième tome de la Théologie systématique (Systematische Theologie) en 1991. La récente traduction française de sa théologie systématique contribue à faire mieux connaître Wolfhart Pannenberg. Or, en France, il est moins connu que le théologien réformé Jürgen Moltmann (né en 1926), alors qu’il est son exact contemporain (1928-2014). Pannenberg a dû attendre 2008 pour que le premier tome de sa systématique (1988) soit enfin traduit à l’initiative du P. Olivier Riaudel. Une récente thèse de Xavier Gué (2016), la première en français, a entrepris un bilan de l’œuvre christologique du théologien de Munich afin d’en évaluer la cohérence et la pertinence, à l’orée de ce nouvel âge de la postmodernité dans lequel, selon les sociologues,nous serions entrés. Cet aspect ne manque pas d’intérêt, mais pour notre part, et quoi qu’il en soit de la théologie postmoderne après le moment de la déconstruction, nous préférons proposer une évaluation de la sotériologie pannenbergienne. Il s’agit, à partir de l’événement proleptique de la Résurrection de Jésus, qui est l’événement historique déterminant pour la raison et pour la foi, de dégager la vérité et l’intelligibilité de l’affirmation Jésus est le Fils de Dieu Sauveur. Il est Dieu en sa filiation et distinct de Dieu en son autodistinction économique et éternelle. À partir de cette reconnaissance, il est dit sauveur de tous les hommes.