Providence, prédestination, élection et réprobation : une relecture de saint Thomas

Basile Valuet o.s.b.
5,00 € l'unité
2018 - Fascicule n°2 2018 - Tome CXVIII
1800
215 - 248
Article
Thomas d'Aquin, Providence, Prédestination, Élection, Réprobation

Résumé

La providence, science pratique, universelle, ne supprime pas le libre arbitre et au contraire en cause la contingence. La prédestination, forme de providence surnaturelle, est en Dieu le plan du salut éternel de certains. Ce n’est donc pas une simple prescience, mais l’organisation de moyens menant à la gloire. Elle inclut une volonté conséquente. La prédestination d’un effet particulier à un instant du temps présuppose la prescience divine des événements antérieurs à cet instant. On distingue : l’acte de prédestiner, l’ensemble de ses effets, et chacun de ses effets. Toute prédestination est infaillible, car elle décide ce que Dieu entend faire lui-même. Mais elle n’impose pas de nécessité aux prédestinés. L’acte de prédestiner et la prédestination adéquate ne peuvent pas être causés par la prescience des mérites. Mais la prédestination au sens précisif à un effet particulier peut avoir pour raison la prescience de dispositions voire de mérites chronologiquement antérieurs à cet effet. L’élection divine met à part certains à l’exclusion d’autres pour la collation d’un don de grâce ou de gloire. Selon saint Thomas, cette élection manifeste la miséricorde de Dieu, tandis que l’exclusion manifeste sa justice ; elle ne tient compte ni des mérites prévus, ni des bonnes dispositions connues. Le saint Docteur s’exprime parfois comme si ce choix allait jusqu’à ne jamais proposer la grâce à certains hommes. Toutefois, selon lui, seul le pécheur est cause de son péché, et de son refus de la grâce, que plusieurs textes disent être proposée à tous. La réprobation présuppose logiquement qu’un péché mortel a eu lieu, donc a été permis, mais elle ne cause pas ce péché. Dieu cause positivement la damnation seulement après prise en considération de l’état de péché et avoir jugé ne pas devoir redonner sa grâce sanctifiante.

Extrait

L’étude de la science et de la volonté divines nous a amenés immanquablement aux redoutables mystères de la providence, de la prédestination, de l’élection et de la réprobation, auxquels nous avons déjà touché par divers côtés. La doctrine thomasienne, comme la doctrine catholique, enseigne l’existence et l’universalité de la providence, y compris sur les événements contingents et libres, qu’elle respecte. La doctrine du Scriptum sur la providence en général est simple. La providence relève de la science. Mais elle ajoute à la science le fait qu’elle concerne seulement les réalités temporelles, et « l’ordre de la cause qui conserve et ordonne vers la fin », donc l’organisation des moyens vers la fin. Selon le De veritate, « la providence, en Dieu, inclut à la fois la science et la volonté ; cependant, elle demeure essentiellement dans la connaissance, non certes spéculative, mais pratique ». Par ailleurs, « la forme de la réalité pour autant qu’elle est ordonnée à la fin, c’est la providence ». La Prima Pars définira la providence comme « la disposition rationnelle des choses qui ont à être ordonnées à une fin ». D’autre part, d’après elle, « la providence est dans l’intelligence, mais elle présuppose la volonté de la fin, car nul ne prescrit les actions à faire en vue d’une fin s’il ne veut pas cette fin ».