Présence du Christ aux non-chrétiens : Jacques Maritain, héritier de Thomas d’Aquin et de Charles de Foucauld

François Daguet o.p.
5,00 € l'unité
2006 - Fascicule n° 1 et 2 - Saint Thomas et la théologie des religions 2006 - Tome CVI
205 - 242
Article
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Résumé

Tout au long de sa vie, Jacques Maritain a scruté le mystère de l’Église, et étudié notamment la question du lien de l’Église avec les non-chrétiens.
Dans quelle mesure l’agir droit d’un non-chrétien est-il ordonné à Dieu ? Peut-on parler d’une appartenance à l’Église d’un non-chrétien ? Qu’en est-il des groupes religieux non chrétiens ? Autant de questions que Maritain aborde en se référant à la théologie de Thomas d’Aquin, qu’il explore avec profondeur, non sans la développer sur certains points. Son appartenance, à la fin de sa vie, à la famille spirituelle de Charles de Foucauld lui donne de développer théologiquement le sens de la présence des chrétiens auprès des non-chrétiens.

Extrait

Jacques Maritain s’est toujours penché sur les sujets théologiques avec prudence, estimant que sa vocation était d’abord philosophique, et considérant aussi qu’il ne possédait pas tout l’appareil, issu de la Tradition, requis pour ce labeur. Pourtant, de son propre aveu, il estbien une question théologique qui l’a habité toute sa vie, celle du mystère de l’Église, celle de l’Église saisie comme un mystère, c’est-à-dire une réalité que l’on contemple et dont on vit. Depuis la rencontre du P. Clérissac, en 1908, et la publication posthume que Maritain prend en charge dix ans plus tard de son livre Le Mystère de l’Église, jusqu’au dernier ouvrage publié du vivant de Maritain, De l’Église du Christ (1970), le philosophe thomiste reconnaît que ce sujet n’a cessé d’habiter sa pensée. De fait, sa correspondance avec Charles Journet témoigne de la fréquence de ses échanges avec lui sur l’Église, et qu’il fut pour le théologien de Fribourg, plus encore qu’un interlocuteur perspicace, un incessant stimulateur.

L’un des aspects du mystère sur lequel Maritain revient à maintes reprises est précisément celui de l’extension de l’Église parmi les hommes, et particulièrement la question de la relation des non-chrétiens à l’Église. En 1932, encourageant Journet à rédiger un traité de l’Église — ce sera L’Église du Verbe incarné —, il lui écrit : « Il faudrait que ce traité éclaire un Hindou et un Chinois, un taoïste et un bouddhiste, comme un luthérien et un orthodoxe. Et plus encore en un sens ! Car ils ne sont pas “séparés”, ceux-là. Et tous, — sauf un péché commis […] — ils sont voto de l’Église. Il faut leur révéler leur maison. » Un an plus tard, un article de Journet dans Nova et Vetera, « Qui est membre de l’Église ? », alimente un échange qui ne prendra fin qu’en 1971, avec la longue recension par Journet du livre de Maritain sur l’Église. À cette date, Maritain est déjà devenu Frère Jacques, dans la communauté des Petits Frères de Jésus. Il y décède deux ans plus tard.