L’œuvre originelle de Marín-Sola sur la grâce et la prédestination est traduite et défendue par Michael Torre dans son livre Do Not Resist the Spirit’s Call : Francisco Marín-Sola on Sufficient Grace. Marín-Sola à son époque and Torre aujourd’hui, affirment que l’enseignement authentique de saint Thomas est en opposition avec celui des théologiens dominicains de la congrégation de Auxiliis. Cependant, l’exégèse de l’enseignement de saint Thomas présenté par Marín-Sola et Torre ne rend pas justice à l’analyse métaphysique délicate qui a été instrumentale dans la théologie de l’Aquinate sur la grâce et la prédestination. L’échec dans la compréhension des distinctions primordiales faites par saint Thomas d’Aquin qui sont devenues plus tard l’enseignement ordinaire parmi les thomistes, conduit ces auteurs à faillir dans leur interprétation de l’Aquinate, à confondre les défenseurs de la tradition thomiste avec les défenseurs du jansénisme, et à mal interpréter l’enseignement magistériel de l’Église.
Dans son livre Do Not Resist the Spirit’s Call : Francisco Marín-Sola on Sufficient Grace, Michael Torre nous offre à la fois une traduction et une défense (dans l’introduction, la conclusion, l’épilogue et les trois appendices) de l’œuvre de Marín-Sola. Il n’y a aucune raison de douter de la précision de la traduction ni de son aptitude à exposer la manière dont Marín-Sola présente la grâce et la prédestination à un auditoire qui a peu de chances de bien la connaître. Marín-Sola a cherché à trouver d’un côté un moyen terme entre ce qu’il considérait comme les extrêmes de la position thomiste traditionnelle de la Congregatio de Auxiliis — qu’il confondait avec le jansénisme — et de l’autre, le molinisme. Son grand souci était de trouver un chemin dans lequel la permission divine du mal — qui est un manque de conservation dans le bien, et donc « négatif » plutôt que « positif » — n’impliquerait pas la réprobation du pécheur. Selon le point de vue de Marín-Sola et de Torre, la créature, pour être libre, doit avoir la capacité de résister au gouvernement divin. Ces deux auteurs cherchent à concilier cette antinomie avec l’enseignement de saint Thomas d’Aquin principalement en raison de leur crainte que, autrement, l’innocence divine dans la permission de pécher ne soit contestée. Cependant pour saint Thomas, la liberté ne peut être réduite à la liberté d’indifférence. De même, pour saint Thomas la volonté humaine et Dieu ne sont pas des causes en compétition, mais plutôt des causes ordonnées dans lesquelles l’acte libre se place à l’intérieur de la divine providence. Semblablement, pour saint Thomas Dieu ne doit pas à la créature déficiente qu’elle soit maintenue loin de tout défaut dans l’ordre de la nature ou dans celui de la grâce, bien que la bonté infinie et la miséricorde révélée de Dieu soient un fondement sûr d’espérance.