L’histoire de la cause efficiente est notamment celle de sa transformation moderne en principe de raison, ce qui la soumet à la critique heideggérienne de l’onto-théologie. Si, au contraire, la cause efficiente (et créatrice) de Thomas d’Aquin n’a rien d’une raison d’être, c’est un noeud de discorde qui semble se défaire.
On ne sairait parler à nouveau de l’histoire de la cause efficiente sans s’abriter derrière l’article phare d’Étienne Gilson de1962, qui commençait ainsi : « La notion de cause efficiente est bien connue des philosophes pour les obscurités qu’elle recèle. » Ces obscurités ne sont toujours pas levées mais, au contraire, semblent s’accroître sous le poids de nouvelles questions. L’article de Gilson n’a pas répondu à des questions qu’il ne s’est pas posées, mais il est toujours une source d’analyse et de discernement. Le problème est de chercher de quelle façon la lecture heideggérienne de l’histoire de la métaphysique et, pour tout dire, le problème de l’onto-théologie posent à la cause efficiente une question, historiquement rétroactive : celle de la cause devenue raison suffisante, causa sive ratio, à l’époque moderne de la métaphysique. La présente note voudrait témoigner de cette rétroaction, et cela à la lumière de publications récentes emblématiques de la recherche française sur la métaphysique et sa constitution onto-théologique. Elle n’a pas d’autre ambition que de rendre hommage à ces recherches, maintenant connues du public, lesquelles toutefois ne laissent pas d’interroger saint Thomas : y a-t-il chez Thomas lui-même un danger à revendiquer l’emploi de la cause efficiente pour désigner le rapport de Dieu aux créatures ?