La doctrine de saint Bonaventure sur les attributs de l’être divin a curieusement suscitée peu d’intérêt, tant il est communément admis qu’il n’y a pas d’équivalent d’un De Deo uno chez le Docteur séraphique. Le présent article se propose de bousculer cette idée reçue par une lecture de ses Questions disputées sur le mystère de la Trinité. Ces questions traitent, entre autres, de l’existence de Dieu et de ses attributs. Tout en pointant l’originalité de la synthèse bonaventurienne dominée par la notion de primitas, cette étude ne manque pas de souligner les nombreuses convergences de vues avec le traité de l’esse divin de saint Thomas d’Aquin (Ia, q. 2-11).
S’il est vrai que de nombreux travaux ont été consacrés au traité de saint Thomas d’Aquin sur les attributs divins — le fameux De Deo uno —, il n’en va pas de même pour saint Bonaventure : en effet, il est communément admis que dans aucune des oeuvres du Docteur séraphique on ne trouve un traité correspondant au familier De Deo uno de l’Aquinate. La raison avancée par les spécialistes est que saint Bonaventure traite toujours des attributs divins dans le cadre de sa réflexion trinitaire. Ainsi, l’apparente « inexistence » d’un traité formellement et matériellement distinct de l’étude de la Trinité est probablement la principale explication de l’absence d’intérêt pour l’approche bonaventurienne des attributs divins. Néanmoins, une étude attentive de certaines oeuvres de saint Bonaventure, notamment son Commentaire des Sentences de Pierre Lombard ainsi que ses Questions disputées sur le mystère de la Trinité, révèle que la question est plus complexe qu’il n’y paraît. En particulier, les Questions disputées offrent une doctrine substantielle des attributs de l’essence divine tels que : son unité, sa simplicité, son infinité, son éternité, son immutabilité, son caractère nécessaire ou bien encore sa primauté. Relisant ces questions à frais nouveaux, il semble ainsi possible d’y voir un « De Deo uno bonaventurien », dans la mesure où chaque attribut de la déité est abordé pour lui-même dans le premier article des questions 2 à 8, sans qu’il soit fait mention de la nature trinitaire de Dieu.