Le thomisme parisien au XVe siècle

Serge-Thomas Bonino o.p.
5,00 € l'unité
2007 - Fascicule n°4 2007 - Tome CVII
2007
625 - 654
Article
Thomisme

Résumé

Le dominicain Jean Cabrol (Capreolus) et le maître séculier Jean Le Tourneur (Versor) sont pratiquement les seuls témoins de la tradition thomiste à Paris au XVe siècle. L’un et l’autre participent au projet d’une néo-scolastique destinée à dépasser les errements du XIVe siècle par le retour à une philosophie aristotélicienne ouverte à la foi. Chez Cabrol, ce projet est nettement thomiste. Chez Le Tourneur, l’aristotélisme prime sur la spécificité thomiste, même s’il se rallie généralement aux thèses de Thomas d’Aquin — plutôt qu’à celles d’Albert le Grand. L’un et l’autre témoignent d’un moment de transition historique où la tradition thomiste tend à se constituer en école proprement dite.

Extrait

Le titre de cet article serait trompeur s’il laissait supposer qu’il existait dans le Paris universitaire du XVe siècle une école thomiste aisément repérable — à la fois par des critères institutionnels et par des critères doctrinaux —, comme il y avait effectivement à cette époque une école thomiste séculière à Cologne, rattachée à la bursa montana ou à la bursa corneliana, ou encore une école thomiste dominicaine au studium generale de Saint-Dominique à Bologne. Or il n’en est rien. Certes, saint Thomas d’Aquin est très présent dans la vie doctrinale parisienne de l’époque, à tel point que, dans une étude sur le registre de prêt de la bibliothèque du Collège de Sorbonne, Zénon Kaluza conclut qu’au XVe siècle « Thomas d’Aquin est sans aucun doute le plus lu de tous les grands scolastiques » et qu’il « apparaît comme celui qui forme et autour de qui se forme la pensée théologique et, en partie, philosophique » ; « il est au centre des préoccupations intellectuelles ». Mais un lecteur de saint Thomas ne fait pas un « thomiste ». Ainsi Gilles Charlier, le neveu de Gerson : il a lu saint Thomas et le cite volontiers ; on lui doit même un vibrant éloge de l’Aquinate, dans lequel il souligne la manière admirable dont le dominicain a su disposer la philosophie au service de la théologie et de la défense de la foi ; mais un examen, même rapide et superficiel, de ses doctrines interdit de l’annexer à la tradition thomiste, ne serait-ce qu’en raison de ses prises de position en faveur de la thèse de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, à une époque où le maculisme est le signe de ralliement des thomistes.