« Le corps du Verbe »

Étienne Vetö
5,00 € l'unité
2013 - Fascicule n°1 2013 - Tome CXIII
133 - 148
Article
Thomas d'Aquin, Verbe, hylemorphisme, Incarnation, Philosophie, Christologie

Sous titre

Christologie et philosophie chez Saint Thomas d'Aquin

Résumé

L’auteur se propose d’établir la place de la rationalité philosophique dans la christologie de saint Thomas, où le recours à l’hylémorphisme permet de préciser la vérité de l’humanité du Christ, son appartenance plénière au Verbe et — en prolongeant mais en faisant éclater le cadre aristotélicien — de comprendre le corps du Ressuscité comme matière parfaitement informée par l’âme. Même si l’argument philosophique n’est jamais fondateur ni absolu, il va jusqu’à jouer un rôle intérieur à la théologie, qui peut en retour transformer ce qu’elle a assumé. Or cette intériorité mutuelle des deux sciences ne s’expliquera que par leur unité selon la faculté de connaissance, le sujet et, partiellement, le statut heuristique.

Extrait

Le Verbe fait chair est, pour Thomas d’Aquin, le mystère par excellence, celui qui au plus haut point surpasse les capacités de la raison : « Parmi les œuvres divines, [l’Incarnation] est assurément celle qui dépasse le plus la raison. On ne peut en effet rien penser de plus étonnant (mirabilius) venant de Dieu : le vrai Dieu, le Fils de Dieu, est devenu vrai homme. » Dans le monde créé, point de départ de la connaissance humaine, aucune forme d’union n’est comparable à l’Incarnation. Pourtant, le Docteur angélique fait assez massivement appel à Aristote, bien entendu, mais aussi à Cicéron, Porphyre et Plotin, les « stoïciens », Boèce et Averroès. Il n’hésite pas non plus à passer allégrement de références aux Écritures ou aux Pères à des argumentations philosophiques, et inversement. Deux lignes de réflexion se présentent alors. D’une part, en tout premier lieu, quel est l’apport de la philosophie à la christologie thomasienne, et quelles en sont les limites ? D’autre part, en élargissant notre réflexion, comment fonder la légitimité, pour le théologien, du recours à la philosophie dans un domaine qui semble plus que tout autre la chasse gardée de la Sacra doctrina ?