Le bien fait partie de ce qui est devenu le traité des transcendantaux. Mais une telle constitution est à la fois postérieure à Thomas d’Aquin et en partie étrangère à sa pensée, pour des raisons tant théologiques que philosophiques. Il n’empêche que Thomas parle du bien comme il parle de l’être ou de l’un. Notamment, il veut, après Denys, parler de Dieu comme Bien, ce qui est autre chose que d’appliquer à Dieu un concept préalable de bien. Rien ne précède Dieu, aucun concept ne s’applique à lui : c’est lui au contraire qui oblige à redistribuer les concepts. Cette rétroversion pose, de surcroît, la question d’une constitution thomasienne de la métaphysique.
La présente intervention risque d’être, à bien des égards, apéritive et seulement telle. Elle s’attache à situer le bien, entendu comme une question, plutôt qu’à la traiter. Traiter une question, c’est en explorer le contenu doctrinal. La situer, c’est caractériser son identité et sa fonction, sans l’extraire trop vite de son contexte, tant externe qu’interne. Plutôt que de l’extraire, il s’agit de tenter d’identifier la place qu’elle occupe. Chez un auteur, la place occupée en dit long sur sa vérité. Constater que Thomas parle du bien, et en parle bien, relèverait de la trivialité. Mais se emander de quelle manière il envisage ce sujet présente des difficultés. Elles sont de principe. Trois difficultés rendent malaisée la mise en valeur du thème du bien. La première touche à sa constitution, à ce qu’il est convenu d’appeler les transcendantaux. Comme si, chez Thomas, les transcendantaux faisaientl’objet d’un traité, et, qui plus est, philosophique d’appartenance, à même de précéder, comme de juste, la théologie.La deuxième difficulté est théologique. La bonté de Dieu donne l’occasion à Thomas de distribuer son propos en commençant par le bien en général, avant de parler du Dieu bon. Dieu serait-il un cas particulier, fût-il éminent, de la bonté ? Il serait alors un cas au même titre que l’être, ce qui suppose un concept d’être à même d’embrasser Dieu.La troisième difficulté, sous la pression des deux précédentes, s’enquiert de savoir quel est le lieu d’une métaphysique du bien, comme des autres transcendantaux. Ce lieu est-il une enclave de la théologie ou au contraire un chapitre de la métaphysique ?