Parmi les thomistes, il y a différentes explications de la façon dont les principes de la raison pratique sont liés à notre connaissance du monde. Certains, comme Joseph de Finance, éfendent une conception transcendantale de la raison pratique ; d’autres une conception naturaliste. Certains de ce dernier groupe, comme John Finnis, croient que nous saisissons les principes de la raison pratique à travers nos inclinations naturelles et sans aucune compréhension spéculative préalable de ce qui rend un certain type de choses bonnes. Ces deux interprétations n’accordent pas suffisamment d’importance au genre d’analyse, à savoir une resolutio secundum rationem, par laquelle saint Thomas découvre la structure conceptuelle de la raison pratique. À la lumière de cette analyse, il propose plutôt une conception naturaliste et dérivationiste de la raison pratique.
Qu’est-ce que le bien ? Cette question peut être posée sur un registre métaphysique ou éthique. Cependant, choisir l’un conduit inévitablement à l’autre. D’une part, nous devons déterminer si nos jugements moraux sont ancrés dans la réalité. D’autre part, nous devons établir si notre conception du monde s’accompagne de certaines exigences morales. Jamais cela n’a été mis en relief plus clairement que dans l’oeuvre qui est à la racine de la métaphysique, de l’éthique et de la philosophie politique tout à la fois : la République de Platon. Face àla formulation plus raffinée que Glaucon fait du défi de Thrasymaque, Platon se rend compte qu’il doit développer une métaphysique pour fonder la justice, c’est-à-dire la moralité. Il continue à fonder l’éthique et la réalité sur le même principe fondamental : l’idée du bien.Thomas d’Aquin, à qui cet article est dédié, est d’accord avec une version révisée de cette thèse. À son avis, la source ultime du bien se trouve en Dieu, l’Ipsum esse subsistens. Au début de la Somme de théologie, après avoir plaidé en faveur de l’existence, de la simplicité et de la perfection de ce que nous appelons Dieu (Ia, q. 2-4), il aborde la nature du bien (Ia, q. 5) et soutient que Dieu est le bien même (Ia, q. 6). De cette façon, il traite de la question métaphysique du bien. Mais qu’en est-il de la question éthique ?