Dans la Somme contre les Gentils, Thomas d’Aquin pose le problème de la toute-puissance de l’agir divin et de la liberté d’action de l’homme. Articulant les notions de potentia, d’operatio et d’effets, il insère résolument l’agir humain dans une chaîne causale. Sa solution s’inspire d’une certaine lecture d’Aristote et notamment de la Physique : l’homme est cause seconde de son opération car la Cause première diffuse un principe causal à l’agent actif. Bien qu’adoptant la théorie de la causalité instrumentale, l’Aquinate réfute tout déterminisme. Il défend la théorie selon laquelle l’homme est cause totale de son acte. Il accorde à l’homme de posséder un libre arbitre qu’il définit comme la capacité de causer son opération. Cette capacité se situe dans l’intellect capable de produire un jugement libre et dans la capacité de la volonté de produire des effets différents. La liberté humaine repose donc à la fois sur la capacité de l’homme à causer ses propres actes et sur la contingence des actes humains.
Thomas d,Aquin achève la Summa contra Gentiles en 1264-1265. Le texte traite avec ampleur du thème de la liberté humaine dans le Livre II, consacré à la création, et dans le Livre III, consacré à la providence et au gouvernement divin. Dans un contexte d’intérêt croissant pour Aristote, le maître dominicain confronte sa pensée aux traités gréco-arabes, et notamment ceux d’Averroès, d’Avicenne et de Maïmonide qu’il entend réfuter. L’irruption de ces textes dans le domaine de l’éthique exige une confrontation sur le terrain de la philosophie naturelle. La Summa contra Gentiles est une tentative pour démontrer par l’oeuvre de la raison naturelle la plus grande partie possible du contenu de la foi chrétienne et pour défendre rationnellement ce qui est contenu dans les affirmations de la foi. Avec précision, Thomas pose le problème de l’articulation de la toute-puissance de l’agir divin et de la liberté d’action de l’homme. Il retient le problème que pose la notion d’operatio, issue des traités d’Aristote, et qui semble induire que tout acte résulte d’une cause physique. Ainsi l’agir humain serait restreint à un simple effet d’une cause antécédente et serait produit par un déterminisme physique. Cette théorie serait contraire à la foi chrétienne qui professe l’existence d’un libre arbitre en tout homme. Pour autant, l’Aquinate cherche-t-il à écarter cette notion ou, au contraire, entend-il, autant que cela lui est possible, l’utiliser dans une argumentation philosophique ?