Cet article a pour but d’explorer comment saint Thomas coordonne éthique et politique grâce à la notion de justice générale. Celle-ci en ajoutant une orientation vers autrui aux vertus particulières donne à l’éthique une dimension plus noble que la perfection individuelle. En contrepartie, la politique se trouve chargée d’une mission qui concerne non seulement la vie mais aussi la vie bonne dans une cité donnée et selon des critères de possibilité réalistes. Élargissement de l’éthique et anoblissement de la politique se répondent. La loi est le moyen de cette correspondance.
La justice générale chez saint Thomas est une notion directement héritée d’Aristote, qui lui-même la reçoit du Platon de la République. Aussi saint Thomas la fait sienne d’abord dans son commentaire sur l’Éthique à Nicomaque au début du livre V, puis il la reprend dans la Somme de théologie au moment de l’étude du droit et de la justice, c’est-à-dire au cours des questions 57 et 58 de la Secunda Pars. La Somme contre les Gentils est silencieuse sur ce point.