On voit souvent aujourd’hui le Christ des Évangiles comme concentrant a posteriori dans sa figure les prophéties de l’Ancien Testament. En revanche, la tradition qui, en passant par les Pères de l’Église, va du NouveauTestament jusqu’aux grands docteurs médiévaux inclusivement, en donnant la priorité à la finalité, considère que dans l’Ancien Testament il n’y a pas de prophétie qui ne soit pas fondée sur une révélation et une foi explicite au Christ à venir. Le Christ, qui est « la fin de la Loi » (Rm 10, 4), doit être déjà présent comme principe de toute l’économie de la Première Alliance, car il oriente celle-ci pour conduire vers lui. Il faut sans doute aujourd’hui se laisser interroger par ce réalisme téléologique et eschatologique dans l’interprétation typologique de l’Ancien Testament. Si on ne veut pas que celle-ci se réduise à n’être rien d’autre qu’une allégorie rhétorique construite a posteriori, ce qui porterait atteinte au réalisme de l’histoire du salut elle-même.
Nous voyons dans divers passages du Nouveau Testament qu’aux prophètes de l’Ancien Testament avait été explicitement révélée la personne du Christ, non seulement comme Messie d’Israël, mais aussi en tant que Fils de Dieu et Rédempteur du monde. Il est vrai que cela heurte notre mode de penser moderne, qui prend en compte davantage le progrès génétique selon la causalité dispositive qui va du moins au plus, que l’antériorité de la fin, laquelle par sa perfection commande ce processus. À cause de cela, nous risquons de nous priver de la principale clé herméneutique pour la lecture chrétienne de l’Ancien Testament en réduisant la typologie à une simple allégorie figurative produite par une réinterprétation a posteriori. Nous voudrions dans cet article donner la parole à la tradition patristique, qui va du Nouveau Testament jusqu’à inclusivement les grands docteurs du XIIIe siècle représentés ici par saint Thomas d’Aquin, pour entrer dans leur compréhension de la typologie fondée sur la foi au Christ à venir, propre aux prophètes.Une phrase de saint Irénée de Lyon résume la manière dont la tradition patristique comprend cette révélation anticipée du Christ comme source de la prophétie dans l’Ancien Testament. Commentant l’expression de Paul « La fin de la loi, c’est le Christ » (Rm 10, 4), Irénée dit : « Comment le Christ serait-il la fin de la loi, s’il n’en avait été aussi le principe ? Car Celui qui a amené la fin est aussi Celui qui a réalisé le principe. »