La foi et la crainte des démons d’après saint Thomas d’Aquin

David Perrin o.p.
8,00 € l'unité
2021 - Fascicule n°2
121
CXXI
2
2021
245 - 274
Article
Foi, homme, Démon

Résumé

Cette étude se propose de rendre raison, à la lumière des enseignements de saint Thomas d’Aquin, des paroles, au premier abord, déconcertantes, de saint Jacques au sujet des démons : « Les démons croient et ils tremblent » (Jc 2, 19). Nous tâcherons de comprendre pourquoi saint Thomas refuse d’accorder tout caractère surnaturel à cette foi et à cette crainte, avant de voir si de tels mouvements existent, de manière analogue, chez les êtres humains. Nous serons conduits, tout au long de cette réflexion, à considérer les effets, au plan de la nature, des miracles et autres signes donnés par Dieu et à nous interroger sur ce que peut la nature (angélique et humaine) sans la grâce.

Extrait

Toi, tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent. Le contexte de cette assertion est polémique. L’apôtre cherche des arguments pour prouver qu’il ne suffit pas d’avoir la foi pour être sauvé. Les démons lui offrent un exemple parfait : ils ont la foi et, pourtant, ils sont damnés.
Saint Jacques ramène sous le chef des œuvres ce qui manque à la foi pour être salutaire. Sans elles, la foi est morte : « Si elle n’a pas les œuvres, elle est tout à fait morte. » Elle est sans âme : « Comme le corps sans l’âme est mort, de même la foi sans les œuvres est-elle morte. » Saint Jacques n’est pas le seul à parler d’une foi morte. Pour saint Paul, une foi sans charité est vaine, inutile : « Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. » Faut-il comprendre le verset de saint Jacques à la lumière de celui de saint Paul ? Faut-il assimiler, purement et simplement, la foi démoniaque à la foi sans charité ? Peut-on mettre sur le même plan le croyant qui aurait « la plénitude de la foi » mais qui n’aurait pas la charité et le démon qui, en raison de son péché, ne connaît pas « tous les mystères et toute la science » ? Ce qui vaut pour la foi vaut aussi pour la crainte. Quel rapport y a-t-il entre la crainte des démons et celle que pourraient ressentir des hommes qui auraient foi en Dieu mais qui ne l’aimeraient pas d’un amour de charité ? Ces deux craintes s’identifient-elles ou sont-elles substantiellement différentes ?