Le débat sur la « nouvelle théologie » créé par l’ouvrage Surnaturel du P. de Lubac a suscité de nombreuses réflexions sur la grâce divine, en particulier chez Karl Rahner. Celui-ci les a liées à sa conception de la philosophie de la connaissance, telle qu’elle s’exprime dans son ouvrage L’Esprit dans le monde. Mais sa conception semble être aussi unie à un autre champ important de recherche pour lui : les rapports entre l’Église et les religions non chrétiennes, avec sa célèbre thèse des « chrétiens anonymes ». Cet article vise à voir quels liens existent entre ces différents éléments de la pensée du jésuite allemand, et à comparer cette conception à celle de son prédécesseur, le P. Henri de Lubac.
Le but de cet article est de tenter de comprendre la conception qu’avait le P. Karl Rahner (1904-1984), un des théologiens les plus célèbres du XXe siècle, du rapport entre l’homme et la grâce — thème fondamental en théologie. Rahner l’a envisagé d’une manière très originale, à travers un concept qu’il a inventé : celui d’« existential surnaturel ». Nous voudrions donc nous arrêter sur cette notion, et la comparer à une autre, également restée fameuse dans l’histoire de la théologie : le « désir naturel de voir Dieu », à laquelle un autre jésuite du XXe siècle, le P. Henri de Lubac (1896-1991), s’est intéressé, et qui donna lieu à une violente polémique dans les années cinquante du siècle passé.Cette notion de l’« existential surnaturel » est souvent étudiée pour elle-même, dans le cadre de l’anthropologie chrétienne. Nous nous proposons de compléter cette étude en nous arrêtant sur un autre thème, également cher à Karl Rahner : celui des « chrétiens anonymes », qui est, la plupart du temps, présenté dans le cadre de l’ecclésiologie et du dialogue interreligieux. Or, il semble qu’il y ait d’étroites relations entre ces deux thèses et, plus généralement, la pensée théologique de Rahner : tel est l’objectif que nous nous sommes fixé dans cette contribution.