L’article pose la question de savoir si, dans sa conception de la nature humaine et, notamment, de ce qu’il appelle la « nature absolue » de l’homme, saint Thomas n’a pas projeté trop d’éléments liés à l’état présent de la nature déchue. Même chose lorsque saint Thomas et tant d’autres après lui se représentent certaines données de notre environnement physique comme des lois inévitables de la nature. N’est-ce pas en vertu d’une projection contestable que nous faisons de la génération et de la corruption (correspondant antique, sur certains points, de l’entropie croissante de tout système physique fermé) une loi de statut quasi métaphysique ?
Une urgence pastorale
Je me suis intéressé à cette question pour des raisons d’ordre pastoral. En effet, comme prêtre et comme évêque, je me suis inquiété du silence presque total de la prédication chrétienne actuelle, du moins en nos régions, concernant les fins dernières. À l’exception des funérailles et des célébrations liées à la Toussaint, il en est rarement question dans nos églises. Le souci, en soi louable, des engagements chrétiens présents a occulté le souci de l’au-delà. Quant à la protologie, quant aux questions touchant la chute originelle et ses conséquences et même la question fondamentale du mal, elles sont pour ainsi dire totalement absentes de nos homélies. N’étant plus professionnellement engagé dans la vie intellectuelle philosophique et théologique depuis vingt-quatre ans, mon exposé visera surtout à poser des questions, tout en suggérant quelques références à la pensée de saint Thomas en la matière.