La présentation par saint Thomas d’Aquin de la triple signification du signe sacramentel (cause passée, effet actuel, gage de la fin) permet de se représenter les trois dimensions du temps comme profondément liées dans le mystère devenu chrétien. À l’aide de plusieurs aspects de la sotériologie (le rapport Écriture-Tradition, l’actualité de l’Eucharistie, la présence des missions visibles du Fils et de l’Esprit, le rapport grâce-gloire, le Royaume in mysterio…), on peut remonter au mystère du Verbe incarné et à son lien avec le mystère de l’Église qui fonde l’œuvre du salut. On entrevoit alors la nature typiquement chrétienne du temps, appelé ici « temps continu », qui conjoint dans le présent à la fois la dimension passée et la dimension future.
L’eschatologie désigne deux questions bien distinctes : l’événement de la fin, le retour glorieux du Christ avec la transformation complète qu’il apportera, et la relation du temps actuel à cet avènement final. C’est ce deuxième sens que nous retenons ici. Ce temps présent, depuis l’Incarnation et le mystère pascal, mérite bien d’être qualifié d’eschatologique : le temps qui a commencé avec la première venue du Christ et qui s’achèvera à sa seconde et finale venue est tout ordonné à la fin (à l’eschaton). L’expression liturgique, en particulier du temps de l’Avent, allie ainsi strictement les trois dimensions du temps en distinguant la venue passée du Christ dans le sein de la Vierge, la venue présente dans le cœur des fidèles et la venue pour le jugement final. Nous nous proposons de voir comment saint Thomas a pensé cette alliance des trois dimensions du temps à partir des données d’abord sacramentelles en montrant la cohérence avec d’autres aspects de la sotériologie.