Grâce et liberté créée : une relecture de saint Thomas (II)

Basile Valuet o.s.b.
5,00 € l'unité
2018 - Fascicule n°4 2018 - Tome CXVIII
1800
573 - 595
Article
Thomas d'Aquin, Liberté, Grâce

Résumé

La grâce surnaturelle est nécessaire au salut, et à tout bien dans cet ordre, où elle a la toute première initiative. Elle est généralement nécessaire pour éviter le péché mortel, surtout longtemps. Le Christ l’a méritée comme suffisante pour le salut de tous. La grâce-motion agit soit comme provoquant immédiatement un acte indélibéré, et est alors dite opérante, soit comme accompagnant
la volonté déjà agissante, et est alors dite coopérante. Elle coopère notamment à l’acceptation par notre libre arbitre de l’infusion de la grâce habituelle. Elle est nécessaire pour la persévérance dans cet état. Si l’homme n’y persévère pas, ce n’est pas parce que Dieu aurait eu l’initiative de la lui retirer, mais parce que par sa faute il est tombé dans le péché mortel ; ce n’est qu’alors que Dieu a éventuellement décidé de ne pas lui reproposer sa grâce.

Extrait

B. — La grâce et le libre arbitre en particulier
Dans la présente section, on récolte les enseignements de Thomas sur la grâce au sens strict, c’est-à-dire surnaturelle. On l’examine en général (1), puis on suit surtout la grâce actuelle, et dans l’histoire de l’homme depuis la vocation jusqu’à la persévérance finale (2).
1. La grâce en général
Et d’abord, dans quelle mesure l’Aquinate a-t-il professé la nécessité de la grâce en général (a) ? Et la suffisance de la grâce de la Rédemption en acte premier (b) ? Enfin, quel sens a pour lui la distinction entre grâce opérante et grâce coopérante (c) ?
a) La nécessité de la grâce en général
Le résumé du Compendium theologiae sur l’existence de la grâce va nous servir d’introduction : « Dieu exerce spécialement sa providence envers l’homme par sa grâce », car « la créature rationnelle est maîtresse de ses actes par le libre arbitre ». Il le fait 1° en aidant à faire le bien par « des enseignements et des préceptes de vie » ; 2° en rétribuant les actions. La fin de l’homme étant surnaturelle, s’y ajoute une aide surnaturelle intérieure, gratuite en sa source, et qui rend persona grata celui qui la reçoit, d’où son nom de « grâce ». Ce type de don remet les péchés. En effet, « les péchés sont rémissibles ». Et ce, jusqu’à la mort.
La nécessité de la grâce peut donc être envisagée par rapport à deux finalités : pour faire le bien, et pour éviter le péché actuel. Commençons alors par le cas du bien à faire.