Il semble qu’Étienne Gilson, à l’inverse de Jacques Maritain, s’occupe peu de politique, sans engagement ni volonté de refonte philosophique. En un sens, c’est vrai, l’universitaire garde souvent sa hauteur. En un autre sens, l’examen de textes publiés mais restés comme en retrait de l’œuvre, la consultation des archives et des journaux, manifestent une pensée et une action, au moins en certaines circonstances, aussi puissantes qu’équilibrées. Gilson a vécu deux guerres, le communisme, le nazisme, Maurras, un contre-emploi de sénateur, la Guerre froide, Vatican II. Autant d’occasions pour lui d’aborder, d’une plume toujours vive et d’un point de vue supérieur, celui de l’Église comme la véritable chrétienté, les métamorphoses de la Cité de Dieu.
En politique, Étienne Gilson (1884-1978) est-il demeuré à distance de l’action et même de la réflexion ? L’historien de la philosophie médiévale n’évite pas le sujet lorsqu’il expose les auteurs qui en traitent, mais le philosophe semble loin de lui prêter une attention aussi soutenue qu’à la métaphysique. Le contraste avec Jacques Maritain (1882-1973) est à cet égard frappant. À tel point que l’on peut croire connaître un tant soit peu la pensée de Gilson en faisant le deuil de toute préoccupation politique.