Dans Dieu et la philosophie, récemment traduit en français pour la première fois, Étienne Gilson retrace l’histoire du rapport entre le Dieu des philosophes et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob pour en déterminer et en évaluer les différentes figures possibles. Avec ce petit livre, publié en anglais en 1941, Gilson accède à la reconnaissance de l’acte d’être ou existence comme coeur métaphysique de la réalité, de sorte que nous y voyons se mettre en place les différents thèmes, tant métaphysiques qu’historiques, dont l’entrecroisement définit l’essence du « gilsonisme ».
Le rêve de tout érudit n’est-il pas, au hasard d’une flânerie parmi les rayons oubliés de quelque vénérable bibliothèque, de tomber sur le texte inédit d’un auteur classique et à lui familier ? Une voix d’outre-tombe s’élève alors qui, pour sa plus grande joie intellectuelle, vient confirmer, corriger parfois, mais surtout enrichir et approfondir ce qu’il savait déjà de cet auteur. La traduction en français d’un des ouvrages qu’Étienne Gilson (1884-1978) écrivit directement en anglais procure au lecteur francophone une expérience analogue. Certes The Unity of Philosophical Experience (1937), Reason and Revelation in the Middle Ages (1938) ou God and Philosophy (1941) n’étaient pas inconnus (l’anglais n’est tout de même pas le sanskrit), mais leur traduction les rend plus aisément accessibles au public cultivé de langue française, d’autant mieux que la traduction effectuée par les moines de Fontgombault est excellente. On al’impression de lire du Gilson ! Ce qui est tout dire. On retrouve au fil de ces pages la signature inimitable de l’universitaire français : profondeur dans la pensée, clarté dans l’exposition, formules bien frappées qui capturent une idée, discrète ironie aussi, passion parfois (cf. p. 114-115)…