Ce deuxième bulletin aborde trois domaines de la production christologique. En premier lieu, il rend compte de l’histoire des doctrines avec la traduction du De fide orthodoxa de Jean Damascène et la publication d’études sur la christologie du ve siècle avec Théodoret de Cyr et Cyrille d’Alexandrie. En deuxième lieu, en raison des nombreuses publications autour de l’oeuvre de J.-P. Meier, ce bulletin traite de quelques questions d’herméneutique critique et historique. À cet égard, deux grands livres de L. W. Hurtado et de S. Janse apparaissent comme des modèles alternatifs et complémentaires au modèle critique des « trois quêtes de Jésus ». En troisième lieu, deux essais de christologie, respectivement de C. Schönborn et de J. Ratzinger, font l’objet d’un examen approfondi.
1. Histoire des doctrines christologiques au Ve sièclePour commencer ce deuxième bulletin, nous voudrions souligner brièvement la qualité de trois études de christologie patristique du Ve siècle. Ce que l’on appelle abusivement le siècle d’or de la christologie à cause des deux conciles christologiques d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451) a été une époque d’affrontements théologiques de grande ampleur après la longue crise arienne. Elle met aux prises des théologiens qui relèvent respectivement du patriarcat d’Antioche et du patriarcat d’Alexandrie. En attendant l’édition annoncée du Traité de l’Incarnation par Jean-Noël Guinot, pour Sources chrétiennes, nous disposons d’un travail historique et théologique de Paul B. Clayton sur Théodoret que l’on doit considérer comme le meilleur représentant de la tradition diphysite antiochienne. Dans un premier chapitre qualifié de « prolégomènes », l’A. en trente pages retrace la vie de l’évêque, sa place dans l’évolution de la christologie (p. 1-32), et fait le point sur le dossier contrasté de l’historiographie (surtout Marcel Richard, Aloys Grillmeier et Kevin McNamara) (p. 33-52). Ensuite, il situe l’évêque dans la tradition antiochienne, plus précisément dans l’héritage discuté de Théodore de Mopsueste (p. 53-74). Les chap. 3 à 7 (p. 135-282) retracent la genèse de sa pensée et l’histoire de son évolution intellectuelle et théologique depuis la crise nestorienne jusqu’après la crise eutychienne. Ce parcours chronologique, qui se veut le plus complet possible, suit pas à pas les oeuvres du grand théologien de Cyr. La période dite de maturité (433-445) est étudiée de près. L’A. examine le langage de Théodoret, le schème et la structure de sa christologie qui subissent quelques modifications sans changer substantiellement. La formule de départ, qui restera constante, des deux natures (physeis) en une personne (prosôpon) est analysée avec acribie. Elle se précise, entre 427 et 468, en évitant toute dérive dualiste. Le schème s’avère nuancé, suffisamment souple, pour éviter les critiques alexandrines (Cyrille et quelques autres). Théodoret fait montre d’un sens aigu des difficultés internes à la querelle qui oppose Cyrille et Nestorius. L’A. ne procède pas à une réhabilitation dialectique de Théodoret contre Cyrille. Il souligne les limites philosophiques des débats qui pèsent sur le vocabulaire en cause.