Amour humain et altruisme animal

Pascal Ide
8,00 € l'unité
2023 - Tome CXXIII 2023 - Fascicule n°3
123
CXXIII
Septembre 2023
3
2023
521 - 552
Article
Amour

Résumé

Cet article a pour objet l’amour humain et animal. Triple est son objectif. Contre un certain nombre d’objections, il défend, en se fondant sur les acquis de la psychologie sociale, l’existence d’un authentique altruisme humain. Plus brièvement, il rappelle que de nombreuses études éthologiques établissent aujourd’hui la présence massive de comportements prosociaux chez les bêtes : à la vulgate darwinienne de la compétition universelle, il faut opposer une coopération pas moins universelle. Enfin, les similitudes entre l’amour humain et l’amour animal ne vont pas sans dissemblances. Dans une perspective désormais philosophique, la dernière partie pensera leur relation en termes d’analogie.

Extrait

Provocateur, le titre « Amour humain et altruisme animal » suscite trois salves d’objections. La première, tirée par les sciences humaines et sociales, fait voler en éclats le premier syntagme, « amour humain ». Ces disciplines partagent une conviction massive : l’homme est un être spontanément agressif et égoïste. Le comportement prosocial est donc, au mieux, un arrachement toujours menacé à des tendances « naturelles », au pire, une illusion à déconstruire.
La deuxième, qui provient des sciences empirico-formelles, en l’occurrence biologiques, récuse la seconde expression, « altruisme animal ». En effet, selon Charles Darwin, la loi fondamentale régissant le vivant est la sélection du plus apte qui elle-même conduit à une compétition avec l’autre, plante ou animal. Or, autant la compétition conduit à l’exclusion (jusqu’à la mort), autant la coopération promeut l’inclusion (jusqu’à l’empathie à l’égard du plus faible).
La dernière salve de difficultés vise le « et ». Comment entendre la conjonction de coordination ? Rapproche-t-elle au point d’inviter à un continuisme, voire une confusion, au nom du refus de l’exception humaine, ou bien distingue-t-elle au point de séparer et d’opposer, au nom de la défense même de cette exception qui serait ici non pas celle de l’esprit, mais celle de l’amour ? À moins qu’il ne faille entendre ce « et » en son sens le plus courant qui est la simple juxtaposition.