Le chapitre VIII de l’Exhortation apostolique Amoris Laetitia soulève plusieurs problèmes d’interprétation et même une difficulté de correspondance avec l’enseignement antérieur du magistère de l’Église. Cette difficulté concerne la possibilité, dans certains cas, de donner l’absolution et la permission d’accéder à la communion sacramentelle à une personne vivant en situation matrimoniale irrégulière et qui ne prend pas la résolution de vivre « comme frère et sœur » avec son pseudo-conjoint. On examine le degré d’autorité de ce texte magistériel, puis on explique le chapitre VIII, pas-à-pas, en levant notamment cette apparente contradiction. Pour finir, on montre comment le magistère en est venu à affirmer la susdite possibilité, sans remettre en question les vérités définitives concernant le dogme et la morale des sacrements de mariage, de réconciliation et d’Eucharistie.
Le 19 mars 2016, le Saint-Père a signé l’exhortation apostolique Amoris Laetitia (désormais AL), sur l’amour dans la famille. Celle-ci a été rendue publique le 8 avril en diverses traductions, mais, semble-t-il, toujours pas dans le texte latin. Dès sa parution, ce texte a suscité de nombreuses réactions en divers sens. On ne sera pas étonné que ce qui y a suscité le plus de commentaires soit le chapitre VIII, intitulé Accompagner, discerner et intégrer la fragilité, et où il est question de la pastorale des personnes vivant en couple dans une situation « irrégulière ». Chacun sait que, depuis le discours inaugural du cardinal Kasper au consistoire de février 2014, cette question était à l’ordre du jour des deux Synodes successifs. Elle a provoqué, à la demande même du pape, un débat public, où chacun pouvait exprimer ce qu’il pensait. La discussion portait en particulier sur la possibilité que certaines personnes en situation matrimoniale « irrégulière » accédassent à la sainte absolution, puis à la sainte communion. C’est uniquement de ce chapitre VIII que nous entendons traiter ici. Avec la bienveillance qu’inspire l’autorité de celui qui s’y exprime (I), il importe de le lire attentivement (et dans la dynamique de l’ensemble du texte), et de chercher à percevoir ce qui y est dit, ou n’y est pas dit (II), et enfin de comprendre comment la doctrine s’est désenveloppée pour en arriver là (III).