Cet article constitue la seconde partie d’une étude dédiée à la vexata quaestio du désir naturel de voir Dieu, à laquelle l’auteur espère apporter une contribution originale. Après avoir exploré, dans la première partie publiée précédemment, six apories relatives à cette problématique, on élabore ici une solution systématique à partir du principe suivant : « Le désir est sans considération de sa possibilité ou de son impossibilité », c’est-à-dire antérieur au jugement que le sujet désirant forme sur l’accessibilité de l’objet désiré.
2. Une clef de solution inaperçueDans le premier article de la Quaestio disputata De spe, Maître Thomas veut établir que l’espérance est une vertu ; au début de sa démonstration, il procède inductivement par comparaison avec le désir, puis avec d’autres affects. À cette occasion, il esquisse une description du désir dont la portée nous semble aussi décisive qu’inaperçue pour la question qui nous occupe, ce pourquoi nous citons d’abord ce passage en langue originale :…sperare importat motum quemdam appetitivae virtutis tendentem in bonum, non quidem ut iam habitum, sicut gaudium et delectatio, sed tamquam assequendum, sicut etiam desiderium et cupiditas. Differt tamen spes a desiderio in duobus. […] Secundo, quia desiderium est alicuius boni absolute, absque consideratione possibilitatis et impossibilitatis illius ; sed spes tendit in aliquod bonum, sicut in id quod est possibile adipisci : importat enim in sui ratione quamdam securitatem adipiscendi (espérer implique quelque mouvement de la vertu appétitive tendant au bien, non pas en tant que déjà possédé, comme la joie et la délectation, mais comme devant être ,atteint, à l’instar du désir et de la cupidité. Cependant, l’espoir diffère du désir en deux points. […] Deuxièmement, parce que le désir se porte sur quelque bien de manière absolue, sans considération de sa possibilité ou de son impossibilité ; mais l’espoir tend vers quelque bien, comme vers ce qu’il est possible d’obtenir : il implique en effet, dans sa notion, une certaine sûreté d’obtention).