Les articles 4 et 5 de IIIa, q. 83, constituent une véritable expositio missae, sorte de catéchèse mystagogique de l’Occident. Thomas donne un plan logique de la célébration de la messe et procède à une analyse complexe des prières et des rites de la messe, parfois littérale, souvent allégorique. Son commentaire est celui d’un théologien scolastique soucieux de systématisation. Au-delà de ce qui est historiquement dépassé et des extrapolations de l’exégèse accomodatice, l’expositio de l’Angélique, reliée à l’ensemble de la théologie cultuelle développée dans la Somme de théologie, est aujourd’hui matière à réflexion sur l’équilibre à tenir en liturgie entre sens littéral et sens allégorique, ainsi que sur l’importance fondamentale de la ritualité dans le temps de l’Église situé entre le mémorial de la Croix et la liturgie du Royaume.
Dans la Somme de théologie, c’est au terme du traité de l’eucharistie, à la question 83, que saint Thomas d’Aquin considère la célébration liturgique du sacrement. Dans l’article 1, le plus connu de la question, il commence par établir que le rite de l’eucharistie, ou sacrifice de la messe, est « une image représentative de la passion du Christ, laquelle est sa véritable immolation ». À l’autel, l’immolation du Calvaire est représentée selon l’économie sacramentelle par le moyen de signes cultuels, les uns, essentiels, d’institution divine, les autres ajoutés par l’Église par révérence envers le sacrement. Comme nombre de théologiens, ses devanciers et ses contemporains, l’Angélique ne dédaigne pas d’entrer dans le détail des rites et des observances liturgiques. Deux longs articles constituent même à l’intérieur de la Somme une sorte d’expositio missae : l’article 4 dans lequel notre Docteur se demande si « les paroles qui accompagnent ce sacrement sont bien ordonnées », et l’article 5 où il examine « si les rites accomplis dans la célébration de ce sacrement sont appropriés ».