Thomas d’Aquin et Maïmonide : leur rapport au droit

Stefan Goltzberg
8,00 € l'unité
2025 - Tome CXXV 2025 - Fascicule n°1
125
CXXV
Mars 2025
1
2025
121 - 132
Article
Thomas d'Aquin

Résumé

La loi ancienne ne se limite pas aux préceptes cérémoniels, mais contient également des préceptes moraux et judiciaires. La question 101 définit les préceptes cérémoniels. Thomas explore les traits définitoires de ce type de préceptes. C’est alors qu’il convoque Maïmonide. La comparaison entre les deux auteurs tourne autour de trois axes : la ligne du temps, l’herméneutique et le rapport au droit. Ces trois paramètres sont solidaires les uns des autres. S’agissant du respect de certains commandements, la ligne du temps est brisée pour les chrétiens, et continue pour les juifs. L’herméneutique diffère également, notamment en ce qui concerne l’interprétation de ces commandements. Le troisième axe est comme contenu dans les deux premiers : le rapport au droit est forcément antithétique, du moins pour ce qui est des commandements abrogés dans le christianisme (certains commandements furent repris tels quels dans le christianisme, d’autres modifiés, et même certains ajoutés). Pour ce qui est des commandements abrogés, on peut parler d’une dé-juridicisation dans le christianisme, et c’est bien à cela que Thomas se réfère lorsqu’il aborde ce point. 

Extrait

Maïmonide, auteur de textes en judéo-arabe ou en hébreu, n’est pas un inconnu dans le Moyen Âge latin. Que Thomas d’Aquin ait eu accès aux thèses philosophiques de Maïmonide est bien connu. Ce qui l’est un peu moins, c’est le fait que Maïmonide soit cité déjà par Albert le Grand, qui a fait connaître le Guide des égarés à Thomas d’Aquin, par Jacques de Voragine (+/– 1226-1298) — l’auteur de la célèbre Légende dorée parle également du « rabbin Moïse, très grand philosophe » voire de « Rabbi Moïse, très grand savant et théologien, bien que juif » ! — ou encore par Maître Ekhart. Avant ceux-ci, Alexandre de Halès (1185-1245), le premier franciscain à enseigner à l’Université de Paris, serait l’un des plus anciens auteurs de l’Occident latin à citer Maïmonide, notamment sur la question de la loi mosaïque. Alexandre de Halès lui-même s’appuyait sur le dominicain Roland de Crémone (mort en 1259), dont la Summa fut rédigée à la fin des années 1230, en tout cas avant 1244. Roland serait le plus ancien des scolastiques à citer nommément Maïmonide.