Qui fait l’universel ?

Marie de l'Assomption, o.p.
5,00 € l'unité
2019 - Fascicule n°2 2019 - Tome CXIX
1800
179 - 210
Article
Thomas d'Aquin, Aristote, métaphysique, l'universel, duns scot

Sous titre

Recherches sur une réponse de Duns Scot à Thomas d'Aquin dans les Questions sur la métaphysique d'Aristote, livre I, question 4, n° 89

Résumé

À l’occasion d’une question portant sur le rôle de l’expérience dans l’élaboration de la science, Duns Scot se demande si c’est l’intellect agent ou l’intellect possible qui cause l’universel. Or, dans la réponse à une objection censée être celle de l’Aquinate, il affirme que, selon ce dernier, l’objet premier de l’intellect possible est le singulier, de sorte que l’abstraction serait une activité de celui-ci. Mais en réalité, pour Thomas d’Aquin, l’objet propre de l’intellect humain est la quiddité des réalités matérielles, et l’abstraction est une opération de l’intellect agent faisant passer de la puissance à l’acte la forme universelle individuée dans les choses sensibles. Il s’agit donc de chercher, d’après les conceptions thomasienne et scotiste de l’abstraction, pourquoi une telle thèse peut ainsi lui être attribuée.

Extrait

La question 4 du livre I du commentaire de la Métaphysique d’Aristote s’interroge sur l’origine de l’art et de la science : proviennent-ils de l’expérience ? Il s’agit de savoir comment s’articulent l’intuition sensible du singulier et le caractère universel de la science. Duns Scot affirme que l’expérience sensible est l’occasion, la condition sine qua non de la science, mais n’en est pas la cause génératrice.
Trois objections principales avaient été formulées contre le rôle que peut jouer l’expérience vis-à-vis de la science. La troisième utilisait un raisonnement par l’absurde à partir de l’analyse des quatre types de cause, en affirmant que l’expérience ne pouvait remplir à l’égard de la science le rôle d’aucune de ces quatre causes. Duns Scot répond que l’expérience n’est certes pas cause efficiente unique, mais qu’elle est une cause efficiente instrumentale de l’acquisition de la science, la cause efficiente principale étant l’intelligence par la puissance de sa lumière naturelle (n° 83)
La question qui se pose alors est de savoir ce qui, dans l’intelligence, joue le rôle principal : est-ce l’intellect agent ou l’intellect possible ? Duns Scot répond que c’est ce dernier qui est l’agent principal de l’acquisition de la science, car c’est en lui que se trouvent les habitus des principes et des conclusions (n° 84). Or la science est par essence déductive, procédant des principes pour en déduire les conséquences. Mais l’intellect agent a aussi un rôle à jouer (n° 85) : il abstrait les termes simples à partir des données sensibles, que l’intellect possible compose pour donner son assentiment à la proposition complexe, par lui-même s’il s’agit d’un principe évident, par l’expérience s’il s’agit d’un singulier.