Note sur la matière et les substances sensibles (I)

MATHONAT Bénédicte
5,00 € l'unité
2018 - Fascicule n°2 2018 - Tome CXVIII
1800
273 - 292
Article
Thomas d'Aquin, Aristote, métaphysique, Substance, Matière, Principe d'individuation

Résumé

Cet article veut interroger les objections principales qui ont pu entraîner la mise à l’écart de la matière comme candidat au principe d’individuation des substances sensibles : la pure indétermination de la matière, ou à l’inverse, le renvoi à des déterminations accidentelles (quantité, dimensions). Or, la conception aristotélicienne de la matière comme puissance par rapport à la forme, acte, ne la réduit pas à n’être qu’indéterminée. Le commentaire du livre Z de la Métaphysique par Thomas d’Aquin sert de fil conducteur à une reconsidération de son rôle dans la substance sensible. Le rapport matière/forme permet de conjuguer identité spécifique et multiplicité individuelle dans les substances sensibles. Composant avec la forme substantielle l’essence des substances sensibles, la matière peut être dite par cette relation. La quantité dimensive et la divisibilité qu’elle permet peuvent ainsi la qualifier comme sujet premier de la forme des substances corporelles sans rendre impossible le devenir absolu.

Extrait

L’individualisme de notre société, au-delà de ses excès, exprime la revendication de chaque être humain à être pris en considération pour lui-même et non comme le simple porteur d’une essence universelle. Et il semble juste que l’on ne veuille pas être aimé pour l’humanité à laquelle nous renvoyons, mais pour nous-mêmes… Le mot « individu » ne vient-il pas du latin indivis qui signifie premièrement l’indivision, mais aussi, en conséquence, la séparation, la distinction des autres, l’unicité, et sous ce rapport, l’incommunicabilité ? Cependant si individu dit notre distinction, il ne dit pas comme tel notre nature. De ce point de vue, nous ne sommes pas seuls de notre espèce et ce renvoi à l’universalité d’une nature n’est-il pas tout aussi important et significatif pour défendre notre existence individuelle ? Comment rendre compte de ces deux aspects sans privilégier l’un au détriment de l’autre ? Est-il possible que ce soit grâce à notre corporéité ? Du fait de la dépendance à cette sorte d’être « difficile et obscure » qu’est la matière ?