Cet article examine le statut de la guerre juste au sein de la doctrine sociale catholique contemporaine. Référence spéciale est faite à la guerre juste telle qu’elle est abordée par le Pape François dans Fratelli tutti. Dans sa première partie, l’article examine comment Thomas d’Aquin situe le problème de la guerre juste dans l’horizon plus large de la paix comprise comme un fruit de la charité. Il montre ensuite comment le Pape François approche la guerre d’une perspective tout à fait identique. De même que saint Thomas éclaire la manière dont la charité en tant qu’amitié devrait informer toutes nos relations en société, y compris au sein de la sphère internationale, de manière semblable, dans Fratelli tutti, le Pape François nous exhorte à observer la fraternité dans tous les domaines de notre vie, interpersonnelle et sociale ; même les nations devraient adhérer à ce schéma dans leurs relations entre elles. Tant saint Thomas que François reconnaissent, toutefois, que nous pouvons échouer à cet égard, et, de fait, échouons fréquemment. La guerre est la manifestation la plus criante de cet échec. C’est toutefois dans leurs traitements respectifs de la guerre que saint Thomas et François semblent diverger. Le premier affirme la possibilité de la guerre juste, le second la nie. La seconde partie de l’article examine si cette divergence est réelle ou seulement apparente.
Suivu d’un complément d'Henri Hude (p. 462-466).
Depuis le début de son pontificat, le pape François n’a pas fait mystère de son affinité particulière avec le saint dont il a choisi le nom lors de son élévation sur le siège de saint Pierre. Le sentiment de communion profonde qu’éprouvait François d’Assise envers ses frères humains et, en réalité, envers la création entière a servi d’inspiration à sa nouvelle encyclique « sur la fraternité et l’amitié sociale ». Même si les sources de cette encyclique sont principalement contemporaines, on y décèle la présence discrète de citations de saints de l’époque médiévale (et de Pères de l’Église), pas seulement de François d’Assise, mais aussi de Thomas d’Aquin. Dans Fratelli tutti, le pape François puise dans saint Thomas l’idée que la caritas est la plus haute manifestation possible de l’amitié — une union des affections et une vie partagée avec ceux que nous aimons. Pour le pape, la « fraternité » désigne également ce que saint Thomas appelait « l’amour d’amitié », c’est-à-dire « un mouvement qui nous conduit vers l’autre et à considérer “l’être aimé comme uni en quelque sorte à nous-même” ».