Dans son ouvrage Surnaturel, le P. de Lubac s’attache à mettre en évidence le fait que l’essentiel de la tradition thomiste moderne s’écarte de la doctrine thomasienne du désir naturel de voir Dieu, en situant celui-ci sur le plan de la volonté. On expose ici un moment original de l’histoire du thomisme, la position des carmes de Salamanque au XVIIe siècle, sur cette délicate question. On vérifie, sur ce cas précis, la pertinence de la critique lubacienne. Portés par un réseau d’influences complexes (recours, notamment, à la puissance obédientielle mise en valeur par Cajetan), les théologiens carmes comprennent l’appétit naturel de la vision divine comme un désir élicite, inefficace et conditionné, non nécessaire quant à la spécification. Ils n’ont pas poussé suffisamment loin dans le sens d’une métaphysique de l’esprit : la perfection de l’intellectus, participée par les créatures, qui se traduit par le dynamisme ontologique de l’esprit, semble être la clé de compréhension la plus profonde du désir naturel de voir Dieu.