Le célibat sacerdotal : Discipline ecclésiastique ou convenance théologique? (I)

Antoine Odendall o.p.
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2021 - Fascicule n°3
121
CXXI
3
2021
449 - 482
Article

Résumé

À la suite du synode sur l’Amazonie, le débat autour du célibat sacerdotal s’est réveillé. On a vu resurgir la thèse d’une création juridique médiévale sans lien avec la tradition ancienne de l’Église ou la tradition théologique. Cet article propose au contraire de présenter l’ancrage de la pratique du célibat de l’Église latine dans la tradition apostolique, puis d’en dégager la convenance théologique. Cette première partie montre l’enracinement de la pratique du célibat dans l’Écriture et la tradition théologique, puis propose une première solution théologique autour de l’identité du prêtre.

Extrait

Nous avons bien le droit à l’Eucharistie ! Le cri de ceux qui réclament des prêtres est légitime. Il est anormal que nos campagnes n’aient plus de prêtres pour assurer la dispensation des sacrements. Il est effrayant que certains villages de pays de mission ne puissent célébrer l’Eucharistie que quelques fois par an. Le synode sur l’Amazonie a été polarisé dans les médias par la question de l’ordination d’hommes mariés et son document final proposait l’ordination de diacres mariés éprouvés, option que le Pape François n’a pas retenue.
Les arguments que nous avons vu circuler ne sont pas nouveaux. Le célibat est souvent présenté comme un frein aux vocations qui surgiraient s’il était aboli. Il est considéré comme un mode de vie déshumanisant qui — ce dernier point est nouveau — favoriserait le développement de pathologies sexuelles, source des scandales actuels. Pour justifier ce changement, on affirme que l’obligation du célibat est tardive, pas plus ancienne que la réforme grégorienne, sans jamais rappeler que les prêtres mariés étaient auparavant soumis à la continence. On loue la pratique des Églises orientales, sans jamais expliquer pourquoi l’évêque ne s’y marie jamais, pourquoi le prêtre déjà ordonné ne peut plus jamais se marier (ou se remarier en cas de décès de son épouse), ou pourquoi il est soumis à une continence périodique avant de célébrer l’Eucharistie. On salue le mode de vie des ministres protestants mariés sans jamais mentionner la crise vocationnelle qu’ils vivent eux aussi, ni le nombre inquiétant de divorces de ministres.
Face à cela, plusieurs justifications du célibat très incomplètes sont apparues. Certaines, plutôt mystiques, se fondent sur une configuration au Christ très marquée par l’École française, où le vocabulaire de la représentation et de l’imitation dérive vers celui de la copie. D’autres sont exclusivement pratiques, justifiant le célibat par l’importance de la disponibilité du prêtre. 
N’y a-t-il pas une explication plus profonde ? Ne peut-on pas apporter une justification proprement théologique à la discipline du célibat ecclésiastique, en plus des arguments historiques ? Nous présenterons dans un premier temps l’ancienneté de la pratique de la continence dans l’Écriture et la Tradition. L’histoire du Magistère nous invitera à explorer un motif particulier au célibat sacerdotal : le motif sponsal de configuration au Christ Tête et Époux. Nous étudierons ensuite la pertinence de la convenance du célibat des prêtres à la lumière de la théologie de saint Thomas, avant d’envisager enfin quelques réponses pratiques.