Les théologiens du XIIIe siècle tiennent que les enfants morts sans baptême se trouvent dans un état définitif où ils sont tout à la fois privés de la béatitude surnaturelle et exempts de toute souffrance spirituelle, jouissant même d’une certaine joie naturelle. Pour rendre raison de cet état paradoxal, saint Thomas recourt, dans le Scriptum, à une explication fondée sur la sage résignation. Mais, dans le De malo, il invoque plutôt l’ignorance radicale de la destinée surnaturelle manquée. La plupart des théologiens, même thomistes, de la fin du Moyen Âge, ne semblent guère avoir perçu l’originalité de cette dernière solution. Quoi qu’il en soit, la théologie thomasienne des limbes plaide en faveur d’une conception des rapports entre la nature et le surnaturel où la nature garde une certaine consistance relative dans l’ordre même de l’accomplissement de la destinée, ce qui ne fait que mieux ressortir la gratuité d’un surnaturel dont on reconnaît pourtant la haute convenance par rapport à une nature spirituelle ouverte sur l’infini.