Jacques Maritain en complément de son opus De l’Église du Christ, s’étend longuement sur la dignité de la fonction sacerdotale dans l’Église dans son article « À propos de l’École française ». Cet article de 1971 a eu un grand retentissement et a servi, à des titres divers et plus ou moins ajustés, à promouvoir une théologie plus fonctionnelle du ministère sacerdotal. Quarante ans après, il était utile de faire le point sur ce sujet sensible. La « désontologisation » du ministère ordonné au profit d’une explication fonctionnelle met, pour partie, en procès la tradition de l’École française à travers la figure emblématique du cardinal de Bérulle. Notre étude propose de faire une mise au point critique qui complète et rectifie ce que l’intuition maritainienne a eu de trop unilatéral à l’intérieur d’une visée pertinente qui demeure valide pour l’essentiel.
On sait que Maritain vénérait les prêtres par des signes ostensibles : « Je porte respect aux mains consacrées du prêtre, j’aime à les baiser comme on baise un crucifix. » On sait aussi qu’il avait une répugnance pour le cléricalisme. Celui-ci a deux formes : d’une part, un cléricalisme ad intra ou intra-ecclésial et, d’autre part, un cléricalisme ad extra ou sociopolitique. Le cléricalisme, c’est l’hypertrophie du modèle clérical conçu comme dignité supérieure à l’état laïc ; c’est une doctrine qui prétend s’ériger en juge, au spirituel comme au temporel, et décider, pour ne pas dire régenter, la praxis éthique, politique et culturelle des fidèles. Le propre du cléricalisme est de tendre à instaurer un ordre clérical.