On n’a pas assez remarqué une thèse d’Aristote : la question de l’union de l’âme et du corps ne se pose pas ! C’est une fausse question pour dualistes : « Il n’y a pas à chercher si l’âme et le corps sont un, pas plus qu’on ne le fait pour la cire et l’empreinte. » Or Aristote n’en donne qu’une explication laconique : « En effet, l’un et l’être se prennent en plusieurs sens, mais au sens propre, ce sens c’est l’acte. » Pour décrypter cette remarque, il faut cerner ce qu’est l’un, cette propriété générale de tout être. L’étude s’emploie à dégager la nouveauté propre à saint Thomas : l’un n’est pas seulement l’indivision de tout étant, mais il trouve son expression ultime dans l’unité de l’existence. Comprendre cela permet de pénétrer dans la profondeur de l’unité humaine : nous vivons corporellement de la vie même de l’âme spirituelle. La pensée thomasienne coupe court à toute velléité d’éclatement de l’homme, comme si celui-ci pouvait jamais être animal ou humain sans être une personne.
Cela se passe au couvent Sainte-Sabine de Rome, entre la fin de l’année 1267 et l’automne 1268. Lorsque Thomas d’Aquin y commente le Traité de l’âme d’Aristote, il rencontre cette formule étonnante : « Il n’y a pas à chercher si l’âme et le corps sont un, pas plus qu’on ne le fait pour la cire et l’empreinte. » L’explication qu’en donne alors Aristote est pour le moins elliptique : « En effet l’un et l’être se prennent en plusieurs sens, mais au sens propre, ce sens c’est l’acte. » Et c’est tout.Je tenterai d’expliquer le lien entre ces deux phrases. Je le ferai à la lumière de la pensée de Thomas d’Aquin, en articulant sa métaphysique et son anthropologie : comment comprendre l’unité de l’être humain, à la lumière de l’identité métaphysique entre l’un et l’étant ?