Saint Thomas affirme que « la distinction et l’ordre des parties de l’univers est l’effet propre de la cause première, et comme la forme ultime et la meilleure de l’univers » (Contra Gent., Lib. II, cap. 42, no 6). Cette « forme ultime » (quasi ultima forma universi) est le plus grand bien de l’univers. Saint Thomas ira jusqu’à dire : « la chose la plus belle ». Mais ce grand bien, dans l’ordre naturel, est une disposition à un bien plus grand dans l’ordre surnaturel. Pour que ce plus grand bien dans l’ordre surnaturel s’accomplisse, il faut que l’ordre naturel présente comme un point de contact ou plus précisément de réception de la grâce de Dieu. Ce lieu ne peut être que les créatures douées d’intelligence et de volonté à l’image du Créateur. Dès lors les hommes et les anges sont la clef de voûte de l’univers, notamment quant à sa capacité à recevoir comme une forma nouvelle la grâce du Saint-Esprit et à constituer ainsi le bien suprême dans l’ordre surnaturel : l’Église. Celle-ci est ainsi le monde réconcilié avec Dieu, réalité eschatologique présente éternellement dans le dessein divin.
Lorsque saint Thomas introduit la Somme contre les Gentils, il cite Aristote dès la première ligne :« Selon l’avis du Philosophe, […] on appelle sages ceux qui ordonnent droitement les choses et les gouvernent bien. […] Le Philosophe affirme donc que le propre du sage est d’ordonner. »En évoquant dès le début de son travail cette affirmation d’Aristote, sapientis est ordinare, saint Thomas annonce son intention ; il veut ici faire œuvre de sagesse et le propre du sage est d’ordonner. Immédiatement après, l’Aquinate précise :« Tous ceux qui ont charge d’ordonner à une fin doivent emprunter à cette fin la règle du gouvernement et de l’ordre : chaque être est en effet parfaitement à sa place quand il est convenablement ordonné à sa fin, la fin étant le bien de toute chose. »Saint Thomas va donc s’attacher à faire office de sage, c’est-à-dire exposer comment toutes choses sont ordonnées à leur fin qui est leur bien. Mais il va le faire selon deux voies correspondant aux deux grandes parties de cette Somme :« C’est à bon droit que les vérités sur Dieu auxquelles la raison naturelle peut atteindre sont proposées aux hommes comme objet de foi. »« Les vérités auxquelles la raison ne peut atteindre et que seule la Révélation donne aux hommes. »